Back from… Berber Lodge

Vous avez dit Berbère ?

Il y a des mots qui affolent les sens et ouvrent l’imaginaire plus que d’autres. Je ne saurais dire de « Berber » ou de « Lodge » celui qui sonne le mieux ? C’est peut-être la combinaison des deux qui voudrait réunir par-là deux Afriques, celle du Nord et du Sud ou respectivement l’un et l’autre puisent leurs racines, qui inspire le plus.

Ce dont nous sommes sûrs, c’est que ce Berber Lodge n’a rien de barbare ou d’inintelligible bien au contraire. Tout sonne ici comme une évidence. Ils ne sont pas légion ces lieux qui vous cueillent à peine la porte franchie, qu’ils imposent par leur taille ou séduisent par leur modestie. On se souvient l’année dernière de Sao Lourrenco do Barrocal ou du Collatéral, en ce milieu d’année qui aura pourtant déjà vu tant d’ouvertures et de projets excitants, celui-ci tient assurément la corde. Même si on les pressent, les meilleures choses sont vraiment celles que l’on n’attend pas vraiment.

Si autrefois, les marrakchis en mal de grand air roulaient en direction de la vallée de l’Ourika pour marquer un stop ou prendre parfois pension au Beldi Country Club, les initiés continuent désormais, leur route jusqu’à arriver à Oumnes et s’engager sur la piste de ce qui s’apparenterait à un désert de pierres si au bout du chemin, il n’y avait cette oasis surgie de nulle part à l’ombre de la silhouette tutélaire d’un ancien Ksar sachant se rendre spectaculaire à toute heure et que l’on gagne au prix de quelques pas à travers les blés, entre bergers et moutons en baguenaude. La Ville Rouge est à vingt-minutes à peine derrière soi et déjà le monde civilisé s’est effacé comme dans un rêve. Tout juste aperçoit-on de la fenêtre du salon à l’étage quelques toits au loin d’un village voisin percés d’inévitables paraboles cherchant à garder le contact. À l’arrière-plan, seul l’Atlas majestueux exhibe ses cimes enneigées dans l’azur du ciel et le floconnement de rares nuages. Tout autour, les oliviers en nombre jouent les troubles fêtes et jettent leur ombre naturelle sur ce terrain où les parasols n’ont pas plus cours que les habituels transats de moderne facture. Il suffit de noter, dès l’entrée de cette humble bâtisse de pisé, les haies d’épineux servir de murs naturels pour comprendre que ce lieu se veut hautement vernaculaire et inévitablement berbère.

Nous sommes ici au Maroc, le vrai (...) celui de ses amoureux qui en ont saisi toutes les nuances

Nous sommes ici au Maroc, le vrai, pas celui de pacotille qu’on veut encore nous servir ailleurs, celui de ses amoureux qui en ont saisi toutes les nuances, aimé ses paysages autant que son peuple et son légendaire sens de l’hospitalité, qui en ont tiré leur richesse pour mieux la redistribuer, qui lui font honneur chaque jour, s’inspirant de son art de vivre pour former aussi bien le cadre que la philosophie de leur propre vie. Eux, forment aujourd’hui une bande de copains qui s’entraident, qui font des collaborations sans le savoir et ne craignent aucune rivalité, laissant leur ego là d’où ils viennent et vont encore. Il y a là, tout d’abord et exclusivement, Romain-Michel Menière à la direction artistique et à la direction tout court pour une fois. Souvenez-vous l’architecte, entre autres réalisations dans la ville rouge, du délicieux Café Nomad et du merveilleux Riad Mena de la non moins délicieuse Philomena Schurer Merckoll qui joue pour lui les bonnes fées, à l’instar de sa véritable marraine veillant sur la cuisine et le bon ordonnancement de la maison. Mais il y a aussi Studio KO, ses meilleurs amis, à l’architecture car il l’avoue lui-même et sans fausse modestie se retrouver incapable de construire à partir d’une page blanche. Pour le reste, par contre, Romain connait son affaire, n’hésitant pas à pratiquer le grand écart d’une chaise Bertoïa, d’un chevet 40 et d’un lit de paille tressé, se débrouillant toujours pour faire d’un rien l’essentiel, mixant lavabos de marbre antique et bains standardisés, donnant à l’ensemble aussi peu de moyens qu’infiniment de goût. Plus d’un aurait jeté l’éponge face aux inévitables complexités de se porter acquéreur de pareille parcelle, pas Romain. Chaque jour qui passe est pour lui un nouveau jour. Philosophe, cela fait bien longtemps qu’il a fait d’« Inch’Allah » son mantra. Comme d’autres avant lui, il n’est ici qu’un témoin, un passeur du temps, le conteur d’une nouvelle histoire. L’argent n’est bien évidemment pas son moteur. Comment le serait-il avec des chambres à moins de cent cinquante euros en basse saison et à peine plus au cœur de notre hiver ici si doux ? Il n’est pas plus besoin de faire mention de ces menus à une vingtaine d’euros pour ses pensionnaires et une trentaine pour ses clients extérieurs venus en voisins ou en amis pour la journée ou l’après-midi, profiter pour le même prix de la piscine bordée d’un tapis verdoyant, d’oliviers centenaires et de séguias au doux murmure pour comprendre qu’ici, on a une nouvelle fois à faire avec la générosité, celle du cœur comme de l’esprit !

Ici, on a une nouvelle fois à faire avec la générosité, celle du cœur comme de l’esprit !

Mais, voilà que je prends peur de vous en dire trop, effrayé à l’idée de voir déjà la foule se presser à la porte si richement ouvragée de ce vestibule grand ouvert sur les plumes d’un jardin ondulant sous la brise. L’étoile géante de métal jaune qui en orne les murs fragiles me rassure toutefois. Je veux y voir le symbole bienveillant et l’assurance que ce lieu à peine ouvert garde pour longtemps son âme et son charme intacts car la simplicité et l’authenticité qui président à sa destinée n’ont pas de prix car elles n’ont encore que trop peu d’équivalent ailleurs. Peut-être ne devrais-je rien dévoiler des recettes que Romain s’amuse à tester en famille et avec ses « Dadas » au jour le jour, au gré de son retour de marché paysan – biologique forcément – ou de la cueillette au jardin, ne pas m’étendre sur leurs saveurs aussi simples que subtiles ? De même, je devrais sans doute retirer les photos de ses tables de rotin vert, aussi surprenantes qu’invisibles sur l’épais gazon, agrémentées de cette vaisselle en terre cuite de Tamgrout et fleuries de bouquets délicats rendant hommage au sens de la couleur dont faisait preuve feu Yves Saint Laurent. Talitha Getty et consorts ne sont pourtant plus de ce monde mais à voir les silhouettes alanguies sur ces larges coussins de camps berbères improvisés ici et là sur les pelouses, on se prend à rêver de ces temps que l’on croyait révolus. Les joies évidentes de la sieste, de la lecture ou d’une partie de pétanque ne connaissent ici que la limite de journées qui s’étirent à l’infini.

Le bonheur d’une vie simple et déconnectée se savoure ici sans retenue

Le bonheur d’une vie simple et déconnectée se savoure sans retenue jusque sur les terrasses individuelles de chacune des neufs chambres ou entités imaginées par le talentueux architecte et fort heureusement dépourvues de télévision. « Simple life », voilà d’ailleurs le slogan qu’il a choisi pour illustrer le propos de son Berber Lodge. De simples nattes en guise de tapis ou montées en portes de penderies, des volets de bois naïvement pyrogravés, quelques antiquités chinées et placées en de parfaits contrepoints d’un mobilier de rotin tressé, d’astucieux rideaux de cotonnade blanche volant au gré du vent, des cheminées en saillie de murs de pisé enduits à la hâte, des poutres d’oliviers ou de palmiers pour garnir portes et fenêtres entrouvertes sur la nature ou soutenir quelques plafonds peints, des miroirs ou photos vintage posés à même un sol de terre crue, des abat-jours de paille échevelés, la recette est aussi simple qu’évidente, tout s’imprime sur la pellicule aussi joliment que dans la mémoire. L’ensemble se veut improvisé et cadre pourtant à merveille, prouvant une fois de plus que de l’imperfection peut naître la perfection. Bref, vous l’aurez compris, les neuf cabanons, cellules ou loges aussi roses qu'idéales de ce Berber Lodge, que l’on aurait d'ailleurs tort de ne pas privatiser, forment l’adresse rêvée vers laquelle on s’enfuira dès qu’on sentira le besoin de se retrouver ou de se dépayser. Vous avez dit berbère ? Oui, berbère comme Berber Lodge.

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

cheap & chic
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À partir de 140€/nuit • petit déjeuner

 


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