Back from… Amanjena
Intensément marocain !
Cela fait maintenant plus de 20 ans que cette merveille architecturale, ce manifeste de l’art mauresque enchante Marrakech et fait la fierté du Maroc. Pour Amanjena, l’âge de raison comme le temps de la renaissance sont définitivement passés pour faire place à la plénitude d’une maison aussi indescriptible qu’inoubliable. Il n’était pas plus question ici qu’ailleurs de donner prise à l’adage faisant de la vieillesse un naufrage. Les quelques stigmates du temps de cette folle construction ont disparu il y a quelques années déjà, les goûts et les travers d’une époque ont été revus et les éléments techniques modernisés sans rien toucher à cet ocre et ce vert indissociables du lieu comme du pays, n’en déplaise aux impies et autres intrépides de la modernité.
Les porteurs d’egos surdimensionnés, exhibitionnistes ou voyeurs, amateurs de sensations fortes, d’excitations en tous genres ou de trépidations nocturnes, toujours plus nombreux sous ces latitudes sont toujours priés de passer leur chemin pour laisser à d’autres le plaisir de croiser au détour des allées infinies de ce palais rose la route du sémillant Sven Van den Broeck présidant à sa destinée après l’inoubliable et bienveillante Astrid Kilian et avant elle l’exemplaire Nicolas Ilikovic.
Tous ont donné vie à ce que le regretté Ed Tuttle avait imaginé dans ses rêves les plus fous : une féérie émergeant d’un océan de palmes, un palais, à même de se mesurer à son grand frère d’ Amanbagh signé du même, largement inspiré des imposants Alhambra de Grenade et Medersa Ben Youssef, empruntant aux Kasbahs berbères la noblesse des murs de pisé, mixant zelliges turquoises, carreaux de mica noir, tadelakt rose et marbre vert de Ouarzazate pour former un ensemble unique d’architecture maure composé de quelques 32 pavillons et 6 maisons spectaculaires parfaitement et symétriquement agencés autour d’un réseau de seguias. 20 ans plus tard, il est toujours aussi difficile de s’arracher à la contemplation de cet ensemble tout simplement hors du commun dans cet ancien bassin d’irrigation sans cesse changeant sous les assauts du soleil. Il n’est pas moins aisé de s’extraire de l’art de vivre marrakchi distillé ici loin de l’agitation du Gueliz ou de la Médina, théâtres d’autres Marrakech et toujours accessibles en moins de 15 minutes à bord d‘une des luxueuses voitures tendues de cuir beige constituant la flotte à disposition des esprits plus aventureux ou simplement lassés des frontières verdoyantes des 5 hectares de cet Amanjena, littéralement synonyme de paradis paisible. Quel autre hôtel porte aussi bien son nom ?
Quelque soit l’option retenue dans ce havre digne des Mille et Une Nuits, égayé des seuls chants des oiseaux, du clapotis des fontaines et du survol des papillons, chacun y bénéficie de la même démesure et du même agrément, des cheminées intérieures rigoureusement préparées chaque matin pour la flambée du soir à savourer un verre de vin local à la main accompagné de quelques fruits secs aimablement disposés et renouvelés chaque jour sur un plateau d’argent aux pavillons extérieurs abritant derrière leurs rideaux, lits de repos et salles à manger intimes où se réfugier à l’abri de la chaleur, en passant par les bassins plus ou moins grands garnis de pétales de roses fraichement effeuillés à l’aube et entourés de transats agrémentés avec la même régularité avant l’heure du réveil de serviettes éponges, canotiers pour ces messieurs et chapeaux pour ces dames, sans oublier ces impressionnants dômes vénitiens couronnant des chambres aux parfaites proportions que l’on quitte avec regret à l’instar des babouches à sa pointure fournies au premier jour. Elles accompagnent ces élégants burnous traditionnels disposés dans les dressings, parfaits pour arpenter dans la fraicheur du matin ou à la nuit tombée les passages grandioses menant aux abords de la piscine pour un petit-déjeuner avec vue sur le golf ou à l’un des restaurants pour un dîner à choisir entre inspiration marocaine, italienne à Arva ou depuis peu japonaise au nouveau Nama.
À nouveau quelque soit le lieu choisi mais peut-être plus particulièrement encore au restaurant dit Le Marocain avec son somptueux décor et son bassin central ceint d’oliviers, on retrouve cette même sensation d’espace et de majesté qui vous accueille dès le premier jour et tous les suivants à l’heure du thé à l’ombre de ces arches imposantes ou plus tard sur la terrasse de gravillons de marbre immaculés quand musiciens Gnaoua et oiseaux en essaims rivalisent d’éloquence pour accompagner la descente des derniers rayons de l'astre solaire sur le bassin central. avant que des mains que l’on croirait invisibles ne viennent allumer par centaines les bougies éclairant cet ensemble hiératique. À ce moment là plus qu’à n’importe quel autre, dans ce jeu de cache-cache entre ombre et lumière, dans cette confusion entre ciel et terre, dans ces reflets parfaits sur les eaux étales des bassins, il est bien difficile de ne pas ressentir l’ordre du sacré et du divin et de ne pas se faire le serment de revenir encore et encore à l’image d’une prière ininterrompue que chante au loin le muezzin.
Les avertis comme les esthètes en sont convaincus, Amanjena a cet immanent et récurrent pouvoir par son seul dessin d’accrocher le regard comme le coeur. Mais ses sources de réjouissances ne se limitent pas à l’ordonnancement parfait de ses murs ou de ses abords où chacun a le loisir de s'initier au golf sur le parcours mitoyen, de prendre une leçon de tennis sur l’un des deux courts de terre battue où raquettes alignées et balles soigneusement rangées n’attendant que de donner le meilleur d’elles-mêmes, de parfaire son crawl dans la piscine chauffée de 35 mètres ou de célébrer quelques moments privilégiés et magiques à l’abri des “minzah” ou de la tente caïdale disséminés dans le jardin.
Bien au delà encore, Amanjena a su imprimer de son sceau de nombreuses expériences ou excursions ayant pour cadre les paysages époustouflants alentour qu’il s’agisse du désert d’Agafay servant de cadre à un très exclusif déjeuner ou un diner berbere agrémentés d’une méharée, d’une promenade vers Tighdouine entre cultures de blé, champs de coquelicots et oliviers en cascades face aux cimes enneigées de l’Atlas ponctuée ici d’un couscous dans la maison traditionnelle de la famille Brahim, d’un pique-nique emporté et dégusté au bord d‘un Oued sur la route du Kik ou face au lac Lalla Takerhoust, d’un ride échevelé de la majestueuse palmeraie à la vibrionnante et colorée Medina à bord d’un side car aux couleurs de la maison.
Une maison aussi intime que spectaculaire qui ne se résume pas à son altière et belle figure. Amanjena, ce paradis paisible, condense à lui seul, et plus que tout autre à Marrakech, ce Maroc authentique et fier, infiniment généreux et intensément humain.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir de 790€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 100$ credit • petit déjeuner • accueil personnalisé