Back from… Cowley Manor Experimental
Au Pays des Merveilles !
La légende voudrait que Lewis Carroll ait trouvé, dans le village de Cowley et ses paysages environnants, l’inspiration pour écrire son “Alice au pays des Merveilles”. Il n’en fallait pas plus pour convoquer son souvenir lors de la reprise de Cowley Manor par l’Expérimental Group et leur designer préférée Dorothée Meilichzon l’été passé. Il est vrai que Cowley Manor, malgré son jeune âge sous sa forme actuelle, un peu plus de cent ans, ne manque pas d’attraits. Son pouvoir évocateur est indéniable et l’on ne saurait rêver plus propice à l’écriture que son parc à la croisée des chemins entre l’Angleterre et l’Italie, avec ses arbres désormais centenaires, ses prairies, ses cascades, ses fontaines et ses folies en tous genres.
Aussi les livres ont trouvé tout naturellement ici une place de choix. Les ouvrages anciens n’ont eu de cesse d’occuper les rayonnages du salon-bibliothèque tandis que des champignons géants ou des lapins facétieux, sous la forme de céramiques, ont désormais colonisé les 33 chambres et suites du Manoir et de ses annexes. La designer y a adjoint au dessus des plinthes peintes aux couleurs de la campagne anglaise de fausses portes de bois menant à d’hypothétiques trous de souris mais a aussi convoqué tout une palette de couleurs inattendue du bleu ciel au vert cyprès en passant par le jaune citron ou ce rouge si cher à la Dame de coeur du conte sans oublier, à tous les niveaux, un motif de damier rappelant le jeu des échecs.
Au-delà de ces clins d’oeil plus ou moins appuyés, c’est surtout un formidable appel d’air, une irrévérence caractéristique de l’Angleterre aussi coutumière des carcans et des traditions qui s’invite à Cowley Manor Experimental pour le plus grand plaisir des petits mais aussi des grands. Chacun retrouve dans cette partition une tranche d’enfance endormie qui ne demandait qu’à être réveillée. A l’instar des haies sauvageonnes des Cotswolds, il souffle ici, une fois l’imposante grille du domaine franchie, un incontestable vent de liberté. Passé le péristyle à colonnades, la réception donne le ton. Nous ne sommes pas dans le manoir anglais ronflant et triomphant mais dans une vision expurgée et rafraichie où tout réjouit quelque soit l’endroit ou le regard se pose.
À force de projets toujours plus ambitieux, par leurs dimensions et les budgets qui leur sont alloués, Dorothée Meilichzon a vu son style s’affirmer, toujours plus singulier. Ensemblière et conteuse hors pair, elle a réédité le très joli exploit de l’Experimental Regina à Biarritz donnant à l’ensemble une jeunesse renouvelée avec un sens du contexte et un souci de cohérence remarquables. Là où tant d’autres achoppent à délivrer de l’inédit, elle réussit sans cesse à renouveler son propos et à faire avancer conjointement l’idée même d’une hôtellerie décomplexée et joyeuse à même de remplir son rôle de dépaysement.
Il n’y a pas plus anglais et excitant que Cowley Manor Experimental avec sa royale allure, sa nature exacerbée et sa juste dose d’insolence. On y aime tout, du rez-de-jardin aux écuries, guidé en son labyrinthe par des mains anonymes pochées sur ses murs bleu canard : son hall en boiseries rajeuni de blanc, son jardin d’hiver aux lourdes tentures florales, sa salle de jeux avec son papier peint surrélaiste, son billard et ses tables échiquiers, sa bibliothèque feutrée tendue de vert mousse, son grand salon rigoureux ouvert sur la nature et chahuté par la collection d’art de l’ex-propriétaire des lieux, sa sublime salle à manger revisitée de mains de maitre à coup de tables laquées et de suspensions aux allures de lampions comme son somptueux bar graphique ou déguster les cocktails iconiques du groupe.
Les étages comme les anciens communs ne sont pas en reste. Aucune chambre ou suite de Cowley Manor Experimental ne ressemble à sa voisine. L’on voudrait d’ailleurs les occuper toutes à la fois tant leur variété et leurs charmes donnent à voir et à réjouir. Certaines ont gardé des éléments d’époque, comme de spectaculaires salons de bains tantôt en verre des années 30 tantôt en boiseries du 19ème, des cheminées ou de somptueux lits princiers à baldaquin secoués par une modernité de couleurs, de formes et de matières. On se réjouit de cette fraicheur comme du mobilier en osier ou des plantes en pots rapportées de l’extérieur à l’intérieur, campagne oblige ! A l’ombre des grands arbres, sous des ciels pommelés et bucoliques des tentes rayées de rouge et de blanc gardées de quelques pliants ponctuent les aplats de vert tendre des prairies pour héberger chacun, le temps d’un pique nique, d’une lecture ou d’une sieste tandis que l’eau s’écoule des sept sources du domaine aux fontaines classées en passant par le lac supérieur pour finir dans la rivière en contrebas où s’ébrouent les cygnes. À l’orée du parc, émerge le pavillon du spa aux lignes claires, déployant piscines intérieures et extérieures chauffées, parcours aquatique, salle de sport xxl, cabines de soins et boutique autant prisée des résidents que de la population locale qui a trouvé elle-aussi avec Cowley Manor Experimental son havre de paix.
En cuisine, le nouveau talent Jackson Boxer réinterprète à sa manière, avec une certaine humilité et autant d’inventivité, les grands classiques d’un terroir local qu’on à plaisir à retrouver. Récemment nommé à la tête du nouveau restaurant Henri de l’Henrietta, également propriété du groupe, le jeune chef rompu à l’histoire de la cuisine anglaise a le vent en poupe. Il prouve à l’instar de Dorothée Meilichzon qu’en s’appuyant sur l’histoire et le contexte, en les laissant infuser et en les dépassant, on emprunte le chemin d’une vérité que personne ne songerait à remettre en question. Par sa cohérence et sa justesse de ton, ce manoir s’avère une formidable réussite. En dépit d’un service encore intimidé, hésitant entre modernité et classicisme et malgré l’absence de conciergerie ou de butlers, Cowley Manor se dote, sous la houlette de l’Experimental, d’une ambition renouvelée et offre aux Cotswolds, à l’instar des Estelle Manor ou Soho Farmhouse, cette certitude d’une campagne joyeuse propre à dépayser, un petit Pays des Merveilles en quelque sorte.
Mots & images : Patrick Locqueneux
À partir d’env. 390€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 1 cocktail par pers. • petit déjeuner • accueil personnalisé