Back from… Estelle Manor

Enivrant !

Soho Farmhouse, The Newt, Heckfield Place, Babington House ou Cowley Manor, toutes les plus belles adresses de la campagne anglaise ont sans doute inspiré Sharan Pasricha dans la création d’Estelle Manor, ouvert l’été dernier au coeur des pâturages verdoyants des Cotswolds. Mais le propriétaire des lieux, accompagné dans ce projet privé par son épouse Eiesha, ne manquait pas de sources d’inspirations puisqu’il est aussi l’heureux possesseur en Ecosse de Glenneagles, qu’il restaure depuis 2015 à grands frais, en plus d’être le fondateur d’Ennismore, le groupe de marques lifestyle dont Hoxton est incontestablement le fleuron. Egalement aux commandes de Maison Estelle, le club londonien très exclusif, imaginé sur le modèle des Soho House de son ami Nick Jones, le désormais éminent Membre de l’Ordre de l’Empire Britannique ne pouvait s’arrêter en si bon chemin et se devait d’accrocher à son tableau de chasse personnel un nouveau trophée encore bien plus grand et bien plus beau. Il aura donc fallu des investissements colossaux, cinq ans de travaux et un bâtiment Grade II entouré de 25 hectares pour consacrer son indéniable contribution à la redéfinition des contours d’une hôtellerie toujours plus encline à casser les codes et à fédérer ses fidèles de tous bords sur des projets à forte identité.

« toutes les plus belles adresses de la campagne anglaise ont sans doute inspiré Sharan Pasricha dans la création d’Estelle Manor,  »

À la faveur d‘une spectaculaire rénovation orchestrée par le duo new-yorkais Roman & Williams, à qui l’on devait déjà le club de Londres mais aussi les aventures Ned ou Nomad que Pasricha suivit un temps de près, Eynsham Hall est ainsi devenu Estelle Manor. Si disons le d’emblée ce dernier cherche peut-être encore, parmi toutes les sources d’inspiration qui la composent, une ligne directrice forte ou sa propre singularité, sa décoration aussi originale que grandiloquente ne laisse pas d’autre choix que de surprendre et convaincre. Si chacun pourra trouver à dire ou à redire des lieux, il ne pourra que s’accorder sur l’indéniable capacité d’Estelle Manor à pour le moins détoner ou émouvoir par son décor - en tout cas dans sa partie historique. Il y a là tant à voir et à décrire qu’il faudrait bien plus qu’un inventaire détaillé pour en rendre compte ou en capter l’essence.

« Il y a là tant à voir et à décrire qu’il faudrait bien plus qu’un inventaire détaillé pour en rendre compte ou en capter l’essence. »

Les designers, Stephen Alesch et Robin Standefer, adeptes de toutes les formes d’’histoires et de l’Histoire avec un grand H mais aussi très versés dans l’artisanat, s’y sont donnés à coeur joie avec comme double ambition de donner l’illusion que chaque objet (tenture, peinture ou sculpture) préexistait et tenait ici une place définitive ou tout du moins choisie, offrant tout autant un ravissement pour l’oeil qu’une joie pour l’esprit. Tout en privilégiant les règles de l’accumulation et des correspondances, mêlant les styles et les époques, ils sont parvenus à créer bien plus qu’un tabernacle réservé aux seuls esthètes d’un monde en voie de disparition, une véritable maison pétrie d’histoires et d’attaches glanées à travers le globe, ouverte à tous et à tous les courants dont le salon-bibliothèque constitue sans doute l’exemple le plus frappant. Conçu à la manière d’un cabinet de curiosités, tissant des ponts entre toutes les cultures, mariant l’Orient, l’Afrique et l’Occident, il symbolise à lui seul le multiculturalisme et l’érudition des lieux. Estelle Manor ne saurait pour autant se résumer à un conservatoire de traditions ou à une galerie érigée à la gloire de l'ex Empire colonial britannique. Son héritage de facade ne vaut que dans sa capacité à renouer avec l’histoire, de manière à ouvrir le dialogue et à résonner avec le monde d’aujourd’hui, polyglotte et cosmopolite à l’image du DJ aux platines le week-end.

« Son héritage de facade ne vaut que dans sa capacité à renouer avec l’histoire, de manière à ouvrir le dialogue et à résonner avec le monde d’aujourd’hui, polyglotte et cosmopolite »

A l'instar de l’ancien bassin d’agrément du parterre sud devenu piscine semi-olympique, des pantalons à carreaux portés feu de plancher de l’impeccable Matt Camarca-Facey, le “rooms manager”, ou des Land Rover électriques et pastels sillonnant le domaine, il flotte à Estelle Manor ce doux parfum de modernité et d’irrévérence qui n’appartient qu’à l’Angleterre. Point de majordomes en livrées ni de réceptionnistes ou concierges affairées à leurs desks mais à la place une escouade de managers aussi affables que formidables en tenues dépareillées, de délicats bouquets séchés au lieu de fleurs fraîches, d’imposants bains romains en guise de spa, voilà quelques uns des préceptes des lieux qui témoignent de ce “pas de côté” assumé. Si Estelle Manor a tous les codes du Grand Hotel à commencer par son nombre de chambres, 108, tous les attributs du Resort avec ses quatre restaurants, ses piscines, son spa, son stand de tir, sa salle de sport ou sa boutique, il n’en est pas moins et avant tout un lieu d’expériences plutôt inclassable.

« il flotte à Estelle Manor ce doux parfum de modernité et d’irrévérence qui n’appartient qu’à l’Angleterre.  »

Dès le portail franchi et le contrôle de sécurité aussi drastique qu’élégant assuré par une hôtesse en robe longue bleu marine et ballerines, s’impose l’idée d’un lieu à part capable d’épater les coeurs les plus joyeux comme d’exacerber les esprits les plus chagrins. Il en va ainsi des grands succès : susciter l’enthousiasme des uns ou déchainer l’ire des autres qu’importe si la réalité se situe au mitant comme bien souvent. Estelle Manor ne fait donc pas exception à cette règle surtout quand le prix vient à se mêler à l’équation. Les clients déboursant un millier de livres sterling et au-delà pour une chambre ont en effet du mal à se résigner à “camper” sur les pelouses faute d’un nombre suffisant de parasols ou de chaises longues aux abords de la piscine pour ne donner qu’un exemple des balbutiements des lieux encore en devenir. Il faut dire qu’ici le “playground” ne connait pas vraiment de limites et qu’Estelle Manor ne trouvera sans doute sa complétude qu’au terme encore de nombreux mois et efforts. Mais entendons nous bien, tout ce qui est livré ici force déjà le respect et suscite le plus grand des enthousiasmes.

« Tout ce qui est livré ici force déjà le respect et suscite le plus grand des enthousiasmes. »

Cela commence en frayant à travers les prairies et les parterres nord du domaine, dès l’impressionnante facade néo-jacobine aperçue en point de mire. Cela continue avec le ballet des voituriers et bagagistes dont les pas, comme les roues de la flotte de Land Rover et voiturettes de golf électriques, crissent sur les graviers, dès la lourde porte du hall franchi et les premiers bourdonnements d’un public se disputant assurance et élégance, reçu comme pour une partie de chase ou un week-end entre amis avec un drink et une conversation à batons rompus à califourchon sur une de ses innombrables assises. Plusieurs coups d’oeil ne suffisent pas à embrasser la scène dans son ensemble ni à détailler chacun des bibelots, sculptures et peintures choisis pour en orner les tables et les cimaises. Cette impression de trop plein mêlée d’excitation à son comble perdure lors du tour d’orientation en préambule de l’installation dans une des cent chambres du domaine. L’enchainement des lieux, des concepts et des décors aiguise l’appétit et demande à y revenir encore et encore pour en apprécier chaque nuance. Ainsi va Estelle Manor.

« on ne peut être que fan des trente six hébergées dans le manoir et la plupart du temps prises d’assaut. Il faut dire que celles avec vues sur les parterres au sud et notamment les suites à baldaquin divinement meublées dont certaines avec terrasses sont tout simplement irrésistibles. »

Si on aime moins les chambres et suites des annexes étrangement conçues pour certaines, notamment dans les anciennes écuries, les cabanes de bois ou les villas privées qui ne délivrent pas encore toute leurs promesses, on ne peut être que fan des trente six hébergées dans le manoir et la plupart du temps prises d’assaut. Il faut dire que celles avec vues sur les parterres au sud et notamment les suites à baldaquin divinement meublées dont certaines avec terrasses sont irrésistibles. On aime aussi la sélection pointue et l’atmosphère immaculée de la boutique en prise directe avec le jardin, ses drinks de bienvenue servis sur la terrasse, tout autant l’impressionnante salle de sports avec sa charpente industrielle, l’atelier-jardin d’hiver et la serre transformée en restaurant à tendance végétarienne plantée au milieu du jardin pour une expérience “farm to table” mémorable sans parler des espaces de co-working ou de la crèche réservés aux membres du Club en “staycation”. On adore bien sûr la piscine bijou posée au centre du parterre sud, lieu de socialisation à nul autre pareil débordant littéralement le week-end et rendu à son calme dès le lundi, ses parasols rayés et fleuris, ses guérites, ses pelouses immenses, ses jardins d’ifs et ses terrasses dignes d’un cliché signé Slim Aarons. Que dire de chacun des restaurants tous impeccables à délivrer une cuisine en adéquation avec l’époque et leurs concepts respectifs ? Chaque expérience culinaire vise juste, de la cuisine anglaise tout en maitrise entre soufflé au Cheddar et sole de Douvres à l’imposante Brasserie, aux “dim sums” de haute volée dans l’ex salle de billard croulant sous l’or et dont les spectaculaires tables en malachite rappellent l’origine, en passant par les délicieux poivrons et autres légumes du jardin à la Glasshouse sans parler des bouchées healthy du salon de thé réservé aux pensionnaires du spa qui se veut une destination en soi.

« À Estelle Manor que l’on soit en short ou en smoking, il y a de la place pour chacun, idéalement avec un verre à la main. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! »

Un choix discutable pour ce type d’établissement où derrière le classicisme apparent, une certaine fantaisie se veut de mise. Récemment ouverts, les “Eynsham baths” ne font pas dans la demi-mesure. Situés à l’extrémité de la propriété dans un batiment néo-classique de quelques trois mille mètres carrés inspiré des ruines d’une villa romaine découverte non loin, ils sont réservés aux résidents et aux adultes seulement. Les photos y sont interdites et les téléphones bannis. La réservation y est obligatoire, pour une durée fixée à trois heures et un coût porté à 95£, le temps d’appréhender l’intégralité des installations basées sur le principe des bains romains entre tépidarium, caldarium et autre frigidarium. Même si pour toutes ces raisons, l’usage quotidien ne s’impose pas, l’expérience n’en demeure pas moins formidable. Après tout le vrai luxe n’est il pas celui de pouvoir choisir entre un hébergement, un concept, une cuisine ou une attitude, et de pouvoir passer de l’un à l’autre sans réserve ? À Estelle Manor que l’on soit en short ou en smoking, il y a de la place pour chacun, idéalement avec un verre à la main. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse !

Mots & images : Patrick Locqueneux

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À partir d’env. 520€/nuit

Accueil personnalisé • petit déjeuner • surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 100$ de credit

 
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