Back from… Le Coucou

Une nouvelle voix

Il n’y a pas que dans la forêt lointaine que l’on entend le coucou répondre au hibou du haut de son grand chêne. Son chant résonne désormais aussi à Méribel comme une mise en garde envers son ainée Courchevel. Tiens toi le pour dit lui siffle le facétieux cuculidé, « c’est désormais de ce côté des 3 Vallées que cela se passe » !

« C’est désormais de ce côté des 3 Vallées que cela se passe ! »

L’une des plus anciennes stations françaises de ski accueille en effet depuis décembre dernier un nouvel hôtel 5 étoiles au chic résolument décomplexé baptisé Le Coucou. Curieuse appellation pour un hôtel !?

Pas vraiment lorsque l’on sait, tout d’abord, que derrière ce projet se cache une famille qui a autrefois fait de l’humour la clé de sa réussite, n’hésitant pas à personnifier sa marque par un cochon et faire du « grand méchant look » son slogan. Les Pariente, à l’origine du groupe Naf Naf, se sont depuis reconvertis avec autant de succès que de célérité dans l’hôtellerie reprenant l’hôtel de Crillon Le Brave, ouvrant coup sur coup le Lou Pinet à St Tropez puis ce Coucou à Méribel avant Paris l’année prochaine. Regroupées sous la dénomination de Maisons Pariente, ces maisons de famille, même si elles n’en ont pas toujours la taille, ont toutefois à cœur de défendre cet esprit si particulier. Patrick, le père, accompagné de deux de ses filles Kymberley et Leslie sont à la fois indissociables de cette nouvelle aventure et son meilleur faire-valoir. Difficile de ne pas succomber au charme de cette famille unie et estimable à plus d’un titre. Croiser l’humilité et la joie de vivre d’une des sœurs au détour d’une des maisons dont elles assurent respectivement la présidence et la direction artistique vaut d’ailleurs bien des soleils.

« Pierre Yovanovitch (...) a signé avec ce Coucou une œuvre totale et iconoclaste (...) qui marque indéniablement une rupture dans le paysage »

Ensuite parce que pour ce Coucou, elles sont allées chercher, après Charles Zana pour Crillon Le Brave et Lou Pinet sur lequel nous reviendrons bientôt, un architecte d’intérieur non seulement passionné d’oiseaux et collectionneur avéré de chouettes mais aussi l’un des plus singuliers de sa génération : Pierre Yovanovitch. Ce drôle d’oiseau à la remarquable érudition, re-découvreur de nombreux courants et passeur de tendances se veut surtout un créateur avant d’être un ensemblier de talent. L’adversaire de la fioriture et du superflu, inventeur du classique de demain, a signé avec ce Coucou une œuvre totale et iconoclaste qui peut ne pas être du gout du plus grand nombre mais qui marque indéniablement une rupture dans le paysage. Et c’est là, enfin, dans ce qu’il annonce que ce nom de coucou apparait le mieux choisi. Ce que certains qualifieraient d’irrévérence participe à bien y regarder d’un immense respect pour l’histoire dans ce qu’elle a de narrative.

« Le Coucou Méribel inaugure un style décomplexé affranchi des diktats de la montagne, plus décontracté, plus jeune mais plus que cela axé sur l’enfance »

Le Coucou Méribel inaugure un style décomplexé affranchi des diktats de la montagne, plus décontracté, plus jeune mais plus que cela, axé sur l’enfance et le souvenir de celle-ci dont les Kids Club imaginés par Sophie Jacquemin et mis en musique par le fameux Petit Vip de Ladislas Boehm ne seraient que la partie la plus visible. Pierre Yovanovitch s’est fait conteur à chaque détour de cet imposant chalet de 10 étages et autant de milliers de mètres carrés. Il faut dire que chacune de ses 55 chambres dont 39 suites avec terrasses et vues bat des records de surface pour la montagne où les volumes étroits sont en général de mise. À l’intérieur de chacune d’entre elles dont la plus petite mesure pas moins de 30m2, il a su créer un univers à part, ramené à l’essentiel, raboté à l’extrême à l’image du bois brut ornant huisseries et penderies. Dans ces cabanes de bois comme le laissent joliment présumer les entrées de certaines d’entre elles, les murs ou les plafonds d’autres, la rigueur apparente n’empêche pas l’humour. Les moquettes très Ecole de Ski Français, rouges ou bleues selon, se tachent de flocons vaporeux, les pieds de lampes ou les tables en lave trempent dans des laques couleurs sixties, les coussins prennent la forme de boules de coco ou de berlingots, les verres à dent sont givrés comme les luminaires rappelant vaguement les cloches des vaches de nos alpages.

« Pierre Yovanovitch s’est fait conteur à chaque détour de cet imposant chalet de 10 étages »

On passe de l’une à l’autre au détour de couloirs saumonés, ponctués de portes vert sapin striées de jaune cinglant qui nous font hésiter entre la cabane du jardinier et le poste frontière entre la Bordurie et la Syldavie chères à Hergé. Il y a de la bande dessinée derrière cette esthétique si particulière et cette juxtaposition de couleurs a priori inconciliables qu’Amélie du Chalard, à nouveau curatrice des lieux, arrive pourtant à rendre intelligible grâce à une sélection d’oeuvres comme toujours remarquable de sa Maison d’Art ici mêlée à la collection non moins désirable des propriétaires. Bien évidemment on y trouve parmi les compositions les plus abstraites de Cimolai quelques figures de volatiles à l’instar des céramiques nordiques à leurs effigies dispersées ici et là en compagnie d’une jolie sélection de livres tout aussi vintage mais on y croise aussi quelques chefs d’œuvre d’aujourd’hui comme la figure totémique et rustique d’un Ugo Rondinone de la collection personnelle de la famille Pariente. Dominant la réception ou plus exactement ce salon de réception couronné d’un lustre stalactite voire galactique enfermant un énième coucou et coiffé lui-même d’une fresque-volière étourdissante signé Matthieu Cossé, ce géant de pierre de bois et d’acier résume peut-être à lui seul la force et la singularité de ce projet comptant pas moins de 230 pièces de mobilier signées de l’architecte-star.

« Dans chaque recoin (...) tout se réinvente, questionne, ironise ou interdit aussi gaiement que spontanément »

Si l’on retrouve, parmi les assisses de velours bleu nuit ou moutarde, ses malicieux fauteuils ours aux oreilles en forme de pompons, on découvre aussi au bar des tables au regard de chouette stylisée ou aux ongles vernis avec leurs pieds trempés de laque rose Chamallow. L’humour ne reste pas confiné aux chambres mais s’immisce dans chaque recoin de cet imposant chalet épousant les pistes. De la piscine bordée d’alcôves comme autant de petits nids douillets ponctués de tables d’appoint aux pieds d’oiseau à l’orgasmique Beefbar de Riccardo Giraudi traité façon « winstub » avec son alcôve tapissée de coucous en céramique signés du sculpteur Eric Croes, ses murs lambrissés de fausses tuiles se jouant des perspectives, ses suspensions en verre givré tels d’énormes glaçons taillés à la hâte, ses dessous de plats en faux Giens directement intégrés au plateau des tables en lieu et place de nappes, tout se réinvente, questionne, ironise ou interdit aussi gaiement que spontanément. Seuls peut-être le Spa Tata Harper, le premier de la marque à la montagne ou le ski room pourtant ô combien raffiné et offrant un départ skis aux pieds inédit dans la station ne semblent vouloir adhérer à cette dissonance volontaire lui préférant un classicisme un peu terne dont le second restaurant italien Bianca Neve montrerait l’impasse.

« Les chalets privés surprennent autant par l’ampleur de leurs volumes que par leur merveilleux éclectisme oscillant entre rusticité et design, réinventant à l’occasion les codes d’un luxe empreint de discrétion »

Si ce dernier s’avère la seule déception autant gustative qu’esthétique de ce Coucou, les chalets privés de 600m2 venant au nombre de deux avec leur piscine intérieure et spa respectifs ont de quoi marquer pour leur part les esprits comme la note finale de leurs heureux occupants. Bien qu’on y retrouve quelques lignes et éléments déjà entrevus dans le cadre d’un premier chalet à Andermatt réalisé par Pierre Yovanovitch, Éléonore et Églantine, de leurs noms respectifs, surprennent autant par l’ampleur de leurs volumes que par leur merveilleux éclectisme oscillant entre rusticité et design, réinventant à l’occasion les codes d’un luxe empreint de discrétion dont pourrait s’inspirer la voisine Courchevel, Courchevel où les Pariente possèdent déjà une autre propriété tout aussi remarquable et sur laquelle nous reviendrons bientôt, la bien nommée Apogée.

« Le Coucou a déjà fait entendre sa voix pour (...) nous rappeler la magie quelque peu oubliée des sports d’hiver. »

A l’instar de cette ainée gérée de son côté par Oetker, dont la réputation n’est plus à faire, Le Coucou peut déjà s’enorgueillir d’un personnel tout aussi dévoué à la gentillesse qu’à l’excellence. Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre d’années. En dépit de son âge tendre et des inévitables balbutiements de départ, Le Coucou a déjà fait entendre sa voix. Par la seule force de son esthétique gentiment chahutée et la volonté de ses équipes, il a ouvert une autre voie à même de nous rappeler la magie quelque peu oubliée des sports d’hiver.

Mots & images : Patrick Locqueneux

 
design-boutique
design-boutique

À partir de 440€ /nuit

Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 1 lunch pour 2 pers. • petit déjeuner • accueil personnalisé

 
Coucou Meribel © Mr. Tripper-27.jpg
coucou-meribel-mrtripper-10.jpg
coucou-meribel-mrtripper-11.jpg
coucou-meribel-mrtripper-7.jpg
coucou-meribel-mrtripper-14.jpg
Coucou Meribel © Mr. Tripper-46.jpg
coucou-meribel-mrtripper-12.jpg
coucou-meribel-mrtripper-2.jpg
coucou-meribel-mrtripper-6.jpg
coucou-meribel-mrtripper-22.jpg
coucou-meribel-mrtripper-21.jpg
coucou-meribel-mrtripper-17.jpg
coucou-meribel-mrtripper-20.jpg
Précédent
Précédent

Back from… Four Seasons Megève

Suivant
Suivant

Back from… Cour des Vosges