Back from… Maison Kamari
La maison qui a tout bon !
Souvent, il en va ainsi des bons moments, on les range sur l’étagère du souvenir pour mieux les ressortir après, comme une poire pour la soif. En cas de coup dur, on refait défiler les images et l’on se souvient amusé, avec ce sourire un peu bête au coin des lèvres, en se disant : comme c’était bien ! On aurait presque envie de rappeler les copains et de lancer par défi, allez on y retourne ? Le hic, c’est qu’avec les années, ces endroits-là finissent par s’accumuler. Ils ne sont pas légion non plus mais, tout de même, trop nombreux pour qu’on puisse décemment y retourner tous les ans. De toute façon, ne finirait-on par en perdre le goût à la longue ?
Alors, on se rassure comme on peut, on se dit que cette année-là, il y avait des guêpes comme jamais on en avait vues, des chiens un poil bruyants dans le voisinage mais après tout, qui a dit que le paradis était sans histoire ? N’avaient-ils pas là-haut eux aussi un serpent bien résolu à semer la pagaille ? Dans le cas de Maison Kamari, il en faudrait bien plus pour espérer gâcher le séjour. Cette maison qui a modestement pris pour nom son lieu-dit à Paros n’est pas de celles à se donner au premier regard, préférant planquer ses lignes simples au détour d’un virage anonyme et à l’abri d’une de ces collines aux allures de Pastorale. Kamari, comme les intimes l’appellent déjà, se mérite un peu. Elle n’est pas plus du genre à aligner les transats autour de bassins toujours plus tordus et d’y laisser flotter des bouées sorties d’un Disneyland pour adultes en perdition, de multiplier les chambres au point de la faire ressembler à un motel ou je ne sais quoi encore. Bref, elle n’est pas une de ces maisons qui fleurissent dans les Cyclades comme des coquelicots au printemps. Pourtant, cela ne l’empêche pas de faire carton plein et d’afficher presque complet sur un calendrier ouvert, non sans hardiesse, sur l’année entière.
Même si je fus l’un des tout premiers à en parler et en rêver ici même, cela ne suffit pas à expliquer le succès de la maison d’Alexandra et de Damien. Certes, la concurrence ne brille pas par le nombre ou la qualité me direz-vous, mais Kamari ne saurait mesurer sa réussite à l’aune de cette déshérence relative d’autant que d’autres villas offrent au-delà de leurs défauts de réels avantages comme celui de donner directement sur la mer. Non, Kamari peut s’enorgueillir d’un charme particulier. Elle dégage ce doux parfum de la cohérence que j’aime tant, ce sens de l’à-propos et du juste prix qui manque tant chez d’autres. Son luxe n’a rien de tapageur ou d’ostentatoire, il sonne comme une évidence en se dotant de petits détails qui ont à voir avec l’espace, le confort et le bon goût.
Il y a déjà là le bleu à peindre d’est en ouest, le blanc à faire plisser les yeux ou le jaune que l’on croit d’or et que l’on voudrait couler en barre pour l’hiver. Maison Kamari nous offre tout ce que l’été exsude, les petits déjeuners aux premiers rayons et les pieds déjà nus, les corbeilles de fruits encore frais et le pain juste sorti du four, les confitures à tartiner sans relâche au rythme du temps qui s’étire langoureusement. L’on en vient à soupçonner Alexandra et Damien d’avoir pensé d’avance à tous ces instants pour les rendre encore plus beaux chez eux. Vous savez, ces moments évidents et pourtant trop rares où l’on court avant l’apéro prendre sa douche dehors sans être vu et faire sécher son maillot sur le bord d’une chaise de sa terrasse, cet instant crucial quand affamé l’on ouvre la porte du frigo en se demandant ce que l’on va passer à la plancha ce soir en regardant les étoiles, et avant cela la course pour monter les plateaux et les verres sur le toit avant que le soleil ne décline et vienne s’encastrer dans la découpe de la cheminée comme dans un parfait cliché. Puis, il y a les nuits un peu fraiches, comme en octobre dernier, où l’on refuse d’enfiler un pull jusqu’au dernier moment avant de finir par allumer un feu odorant avec quelques branches dérobées à la garrigue sur le chemin de retour de la plage.
Car plus tôt, on avait, comme chaque jour, hésité à quitter la maison pour une énième crique abandonnée à l’été touchant à sa fin préférant à l’heure de la sieste rester allongé la tête renversée sur son lit à regarder filer les nuages par la fenêtre et frissonner d’une brise s’engouffrant par les portes grandes ouvertes avant de retrouver le soleil se noyer dans la piscine. Difficile de résister à l’appel de ce petit cabanon en surplomb de bassin et aux lignes tendues vers l‘azur comme à ses matelas immaculés et rebondis à souhait que l’on se plait à trainer d’un bout à l’autre de la piscine pour varier les angles de bronzage et de vue. Si la proximité de la mer a cette force vivifiante et son paysage cette promesse de changement permanent, le panorama sur la campagne déploie d’autres attraits plus doux et silencieux. Cruel dilemme donc que celui qui ferait préférer à un port et une de ces tables pieds dans l’eau comme celle si charmante de To Kyma ou celle plus sophistiquée de Siparos, l’intimité et la fausse simplicité d’une tablée entre amis chez soi. Une nappe dépliée à la hâte sous les canisses, une jolie vaisselle et une branche d’olivier plantée dans un vase suffisent à donner le change et rallier tous les suffrages.
Même si Kamari a tout de la maison habitée par ses propriétaires avec leur collection de livres et de vinyles à disposition ou leur sélection de vidéos à se passer le soir sur le mur de la cheminée se transformant en écran géant, elle se laisse approprier sans peine. Qu’ils aient été mûrement pensés comme ces maçonneries typiques du bassin méditerranéen faisant office de mobilier, choisies au hasard de la chine et de rencontres au long cours comme ces tapisseries, peintures et autres céramiques ornant les murs chaulés ou assemblés selon l’humeur à l’instar de ces bouquets de fleurs séchés, chaque accent de cette maison porte en lui cette simplicité qui va droit au cœur. Si la maison a été architecturée avec l’aide d’un maître en la matière, elle a su garder une forme d’humilité, donnant à la vérité de l’été, à sa légèreté comme à sa douceur de quoi s’épanouir. L’escalier latéral, métronome parfait de la course solaire, le toit terrasse aux allures de labyrinthe, la volée de marches menant à la piscine comme le couloir aux percées diffractant la lumière ou bien encore le deck taillé en guise d’observatoire en forment peut-être les heureuses distractions. Le reste de la maison se veut à l’épreuve du bon sens et d’un goût tout aussi sûr de la part d’un couple adepte de ce mieux vivre d’aujourd’hui qu’on aime à voir et à expérimenter sans relâche. Vivre Kamari dans leurs pas donne à nos petits rêves d’été l’assurance et la couleur de jolis souvenirs de vacances.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
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