Back from… Nolinski Venise
Enthousiasmant !
Si l’Aman Venise se mire avec faste dans les eaux du Grand Canal pendant que l’Experimental s’improvise en vigie espiègle sur les Zattere, que le Palazzo Cristo vibre avec style au son des cloches du Campo San Giovanni e Paolo, tandis que le Palazzina G détonne à l’ombre du Palazzo Grassi et que la Casa Flora joue la carte de la planque moderne et tribale au détour de San Marco, le tout nouveau Nolinski mitoyen s’offre lui un tête à tête élégant avec St Marc, Venise et l’Italie toute entière.
A l’image du Campanile y plongeant son imposante silhouette et de la Basilique y trempant ses graciles tours, le bassin de nage tout d’or vêtu de ce dernier arrivé semble vouloir révéler la ville comme le pays sous un jour particulièrement nouveau voire inédit à l’instar du pari plutôt osé d’Emanuel Sauvage et du groupe Evok d’installer ici, en plein cœur de la fameuse et commerciale Calla Larga XII Marzo leur Nolinski Venise, le premier d’une longue série à s’exporter hors de France.
Avec eux il faut s’attendre à l’inattendu à commencer par cette localisation dans la Cité des Doges que plus d’un aurait sans doute hâtivement boudée la trouvant trop éloignée des canaux et trop proche des commerces. Mais quand les dits commerces portent les noms des enseignes les plus prestigieuses de la mode et que le rez-de-chaussée se propose d’héberger l’une d’entre-elles, que la place la plus célèbre au monde se trouve à cinq minutes à pied, alors on se dit que le pari en valait sûrement la peine d’autant que cet ancien siège de la Bourse du Commerce classé Monument Historique ne manque pas d’allure. Sous son imposante facade rendant hommage au bestiaire aquatique de la lagune, ce sont désormais pas moins de 43 chambres et suites de 20 à 80m2 qui ont trouvé une place de choix tout à fait enviable à l’instar du ponton privé réservé à l’hôtel dès l’aéroport.
Une fois arrivé dans Venise, à l’embouchure du Grand Canal, entre La Salute et le Palais Royal, le modeste ponton de la piscina San Moisè ne dépare pas vraiment offrant l’une des arrivées les plus pittoresques qui soient après avoir passé en revue, comme il se doit, les immanquables de la ville, du Pont des Soupirs au Palais des Doges en passant par le Campanile. L’escouade de réceptionnistes et bagagistes en livrée, en robes rayées ciel pour les unes, en veston blanc boutons or pour les autres, venue accueillir les hôtes ne manque ni de charme ni d’allant tout comme la Calle del Traghetto Vecchio séparant L’hotel du canal. L’emprunter pour déboucher directement sur l’artère la plus passante de la ville et s’engouffrer in fine dans l’entrée aussi imposante que confidentielle de l’hotel flanquée là d’hommes en blanc affairés, fait autant tourner les têtes de la foule médusée par pareille équipage que chavirer les coeurs des futurs pensionnaires qui trouveront là une occasion de se faire remarquer ou reconnaître avec tous les égards.
À l’intérieur les attend ordre et beauté, “luxe, calme et volupté” comme le disait si bien Baudelaire. Le brouhaha de la ville s’efface aussitôt la porte franchie. Seules quelques bribes de voix de notables et élégantes ayant vite trouvé là refuge se font entendre de la cour où le café-restaurant de l’hotel déploie ses tables nappées de blanc aux beaux jours. À l’étage de la réception, plongée dans une atmosphère quasi sépulcrale, on entend à peine les bougies frémir et les chuchotements d’un personnel aussi hiératique qu’affable élégamment conduit par Piero Pastore dans un déroutant jeu de colonnes pour le moins théâtral. Confié aux bons soins du duo déjà l’œuvre à la Cour des Vosges, les sémillants Le Coadic & Scotto, ce tabernacle, foncièrement vénitien et infiniment italien surprend autant qu’il séduit. Une nouvelle fois accompagnés dans leur démarche par Amélie du Chalard, de la galerie éponyme, à la curation artistique, ils livrent pour leur second opus commun avec Evok une pièce de choix érudite et sensible. Convoquant librement et mixant avec autant d’aisance les époques, les styles, les matières et les couleurs sans jamais perdre de vue leur sujet, le trio donne à voir, à sentir, à réfléchir à vivre cette Italie et cette lagune comme jamais auparavant. Le Nolinski Venise se veut le manifeste d’un esprit comme d’un lieu où la grandeur se dispute l’élégance et dont l’imposante salle à manger sert de modèle.
Véritable condensé de toutes les préoccupations des architectes et de la curatrice du projet, l’ancienne salle de la Bourse aligne sous ses colonnes et alcôves les références à la lagune. Formes, couleurs, symboles s’y déploient avec la plus grande justesse comme dans les chambres et parties communes de ces anciens bureaux transformés en palais désormais aussi raffiné que poétique. Animaux marins sous toutes leurs formes, objets de fouilles, icônes byzantines, marines et miniatures, toiles et installations contemporaines, verres signés Avem y chantent la cité lacustre d’une même voix. Bois précieux, bronze doré, velours rouge, marbre blanc, travertin rose, peinture bleu céleste y forment une palette tout autant chaleureuse qu’envoutante. L’esprit du Tintoret et de De Chirico flottent dans l’air tandis que dialoguent “Stile liberty” et Modernisme. Mobilier sur mesure et pièces vintages se télescopent avec grâce entre tapis de soie voluptueux et terrazzo traditionnel. Le décor ne cherche pas à prendre la pose, c’est une ambiance plus qu’un style qui triomphe sous les imposants lustres vénitiens. Tout y sent bon cette Italie légendaire, des jours venise des taies d’oreillers aux cordelés des rideaux à cantonnières en passant par ces uniformes à l’ancienne.
Bien évidemment tout cela ne serait rien si le service ne s’y montrait pas impeccable, si les petits déjeuners ne disputaient pas aux cocktails excellence et créativité, si, en attendant l’ouverture du restaurant gastronomique de Philip Chronopoulos, les nourritures du “Caffe” ne délivraient pas déjà le meilleur de la botte, si les chambres conçues comme de véritables écrins ne regorgeaient d’ouvrages délicatement choisis comme les 4000 du bar-bibliothèque par Anatole Desachy, si leurs terrasses à l’instar de la 302, 410 ou 501 ne donnaient ce sentiment d’exclusivité et de domination sur la ville, si les plateaux d’argent et les carafons d’alcools à disposition en suites ne renouaient pas avec ce faste vénitien que l’on pensait écorné par le poids des ans et qui ressuscite ici de la plus belle des manières. Le Nolinski Venise ne saurait faire mentir Maupassant qui pensait, à juste titre, “qu’aucun coin de la terre n'a donné lieu, plus que Venise, à cette conspiration de l'enthousiasme.”
Mots & images : Patrick Locqueneux
À partir de 590€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 100€ credit • petit déjeuner • accueil personnalisé