Back from... Palazzo Bozzi Corso
Palazzo Leccese !
Combien sont-ils ces palais italiens presque invisibles, planqués dans l’ombre de leurs ruelles étroites à ne pas avoir encore ressuscité ? Ces endormis, quand ils ne sont totalement pas livrés à l’abandon, jouent encore entre leurs murs et leurs volets mi-clos un semblant de comédie humaine et aristocratique. Parfois un soleil hardi vient frapper aux carreaux ou s’invite par les portes fenêtres entrouvertes sur la vie du dehors.
Parfois, le soleil prend la forme de riches mécènes amoureux de vieilles pierres et suffisamment téméraires pour tenter l’aventure d’une restauration. La plupart du temps, il faut attendre le sursaut de générations suivantes, ayant fait fortune ailleurs mais restant toujours convaincues de la valeur de leur héritage. Elles se risquent alors à transformer les lieux en résidence d’artistes comme Francesco Petrucci au Palazzo Daniele, actuel théâtre des aventures de 700.000 heures ou en hôtels comme auraient voulu le faire les héritiers de ce Palazzo Bozzi Corso ou bien encore en un mélange des deux comme les collectionneurs Scolari-Pizzinini avec leur Palazzo Mongio dell'Elefante, moitié Airbnb moitié galerie d’art à Galatina.
Ceux du Palazzo Bozzi Corso, stoppés dans l’élan de leur projet, ont heureusement trouvé avec les Filali, déjà propriétaires à Lecce de la Fiermontina et des futures Suites à côté, des repreneurs à la hauteur. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ces derniers se sont appropriés les lieux, trop contents de trouver sur le chemin de Santa Croce un nouvel angle à leur terrain de jeu. Car avouons-le, Antonia et Giacomo ont fait leur l’antique cité et perle du baroque. Avec bientôt trois adresses en ville sans compter le délicieusement nommé et nouvellement inauguré Musée M.A.M.A situé à équidistance, les Filali n’ont de cesse de rendre hommage à la mémoire de leur grand-mère défunte, de ses deux époux et de leur grand-oncle, tous aussi célèbres. La mémoire d’Antonia Fiermonte, d’Enzo son acteur et boxeur de frère, de Jacques Zwobada et Emile Letourneur ses maris sculpteurs est ici largement célébrée, s’exposant en grande largeur, au-delà du petit musée de pierre sèche leur étant consacrés, aux cimaises de ce glorieux palais. Tapisseries, sculptures, peintures ont trouvé là une nouvelle vie et donnent l’impression d’avoir toujours été là. Tout n’a pourtant pas encore trouvé sa place mais rien ne vient à manquer dans ses 10 chambres aux allures de suites, surtout pas le confort.
Avec parfois plus de 5 mètres de hauteur sous plafond, elles n’ont que peu d’égal dans la région voire dans le pays. Pourtant, aux quatre superlatives "Wellness Suites" de près de 70m2, équipées de douches hydro-massantes ou de sauna, on préfèrera peut-être le charme d’une Classique comme celle de l’étage, dotée d’une superbe loggia meublée de table en céramique de Tamegroute. Ouverte sur l’intimité des cours de la ville et cette vie au grand air si typique de l’Italie, elle offre dans son écrin blanc moderniste une jolie parenthèse urbaine tout comme son adjacente Aristocratique aux tonalités de rose et à l’antique salle de bains marmoréenne. Si à la Fiermontina voisine, chacune des chambres tend à ressembler à l’autre en dehors de son volume, ici au Palazzo Bozzi Corso, chacune a été pensée différemment avec parfois une couleur dominante pour le moins spectaculaire comme ce bleu digne de Majorelle. Dans cet ensemble de pierre ocre chauffée par le soleil du sud, le vert s’invite aussi par touches plus ou moins heureuses des tables aux tapis en passant par les armoires et les coussins eux fort à leur aise dans ce jardin en rotonde et en tout en joliesse où se prennent de solides petits déjeuners à la carte.
Servis par l’impressionnant Jan qui fait aussi office de barman et plus généralement de majordome pour la maison, ils auraient mérité d’être suivis par des lunchs ou des diners tout aussi bucoliques en ce jardin secret. Le propos est autre, préférant offrir un » honesty bar » à longueur de journée et la possibilité de diners privatifs sur mesure aussi hautement tarifés que les chambres. Les choses évolueront sans doute car il manque encore à ce Palazzo Bozzi Corso à retrouver tout l’allant et la noblesse qu’il mérite pour se rendre aussi incontournable que Lecce sur la route désormais très encombrée des Pouilles. Posséder la clé de pareil palais en plein cœur de la ville et de ses éternelles ruelles possède néanmoins un indéniable attrait.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir de 440€/nuit
petit déjeuner • minibar • accueil personnalisé