Back from… The Newt

Aussi réjouissant qu'immanquable !

La pomme étant le révélateur et le fil conducteur de ce lieu hors du commun, ses propriétaires, la sémillante Karen Roos et son charmant époux Koos Bekker, auraient pu trouver, sous le diminutif claquant et affectueux de The Newt, une manière de rendre hommage au génial physicien, qui par une nuit de pleine lune et par le fruit du hasard, au détour d’une promenade dans son verger de Woolsthorpe dans la campagne anglaise allait faire de son nom une loi universelle, et marquer par-là l’insolente modernité comme l’évidence de leur propos. Mais c’est plus prosaïquement pour s’être engagés à sauver quelques 2000 tritons (Newt en anglais) sur leur nouvelle propriété qu’ils décidèrent de la baptiser ainsi.


Quiconque a un jour foulé leurs terres africaines, croisé leur route et plus particulièrement le regard fascinant de Karen sait de quoi ces deux-là sont capables. Ils l’ont déjà montré en faisant de Babylonstoren, leur ferme-hôtel légendaire doublé d’un jardin de cocagne, le point de ralliement de tout visiteur en Afrique du Sud. Avec cette aventure anglaise au cœur du Somerset, sur la route de Bruton à Bath, là où la Babington House, At the Chapel ou la Durslade Farm des Hauser & Wirth font déjà souffler depuis quelques temps un vent de modernité, les époux viennent de faire de l’ancien domaine d’Hadspen House, l’ouverture la plus attendue de l’année, comme le fut l’an passé Heckfield Place dans le New Hampshire. Ce n’est pas tous les ans pourtant que l’Angleterre se dote de telles propriétés allant bien au-delà du simple projet hôtelier. S’il a fallu pas loin de 10 ans aux Chan pour porter sur les fonts baptismaux leur Heckfield Place, il aura fallu moins de temps aux Roos-Bekker, en l’occurrence 6, pour transformer l’ancienne demeure des Hobbouse en un terrain de jeux non moins fascinant de quelques 400 hectares.

« Les époux Bekker viennent de faire de l’ancien domaine d’Hadspen House dans le Somerset, l’ouverture la plus attendue de l’année »

Mais laissons-là les chiffres et les comparaisons entre ces deux propriétés qui ont toutefois l’honneur partagé de promouvoir un art de vivre anglais au plus près de la terre et des attentes du monde d’aujourd’hui. The Newt se veut en effet bien plus qu’un énième hôtel de campagne anglaise avec chintz et jardin fleuris règlementaires. Comme à Babylonstoren le propos dépasse largement le cadre établi et simpliste dans lequel on aurait tort de l’enfermer. Karen et Koos n’ont cure d’ouvrir un hôtel pour arrondir leurs fins de mois, leurs moyens, à l’instar des Chan à Heckfield ou de Garance Primat au Domaine des Etangs, étant illimités ou presque. Leur objectif est pour eux aussi d’offrir à la conscience et au regard de l’autre la beauté sous toutes ses formes mais surtout dans ce qu’elle a de plus originel et de plus simple, la Nature en étant le premier vecteur. C’est donc par le truchement d’une exploitation agricole, en l’occurrence ici une cidreraie qu’ils entendent enseigner, sans didactisme outrancier, la valeur de la terre et les bienfaits du terroir.

« The Newt se veut en effet bien plus qu’un énième hôtel de campagne anglaise avec chintz et jardin fleuris règlementaires »

A 66 ans, le fringuant patron de Naspers et l’ancienne rédactrice en chef du Elle Decoration Sud-Africain sont parfaitement à l’aise dans ce nouveau rôle, convaincus que l’avenir ne passera que par le retour à des valeurs aussi essentielles que primaires. Comment nourrir au mieux nos estomacs, mais aussi plus largement nos sens comme notre conscience voilà le programme de The Newt. Pour cela, ce conservatoire du bon goût avec ses quelques 3.000 pommiers cultivés se visite bien sûr quotidiennement attirant chaque jour à 3 heures de Londres des centaines de curieux et d’amateurs trop heureux de découvrir au-delà des "process" de fabrication des divins breuvages, du jus de pomme au cidre par ailleurs servis à discrétion dans les chambres, des points de vue sur la campagne aussi colorés que somptueux. Jardins tour à tour bleu, rouge, blanc, jaune, vert tendre ou rose s’y succèdent autour d’un labyrinthe où règne bien sûr la pomme dans tous ses états, parfumée de milliers de plants d’herbes aromatiques formant une lande en tous points délicieuse.

« Comment nourrir au mieux nos estomacs, mais aussi plus largement nos sens comme notre conscience voilà le programme de The Newt. »

L’on pourrait, comme elle, s’étendre presque à l’infini sur chaque arcane de ce paradis domestiqué par la main talentueuse de l’ami de toujours, le paysagiste autodidacte Patrice Travella, gloser sur l’habitat aussi superlatif que ludique des poules fournissant les œufs du domaine, disserter sur les inflexions des jets d’eaux ou le calme des bassins dans lesquels ils s’expriment avec cette idée d'ab ovo usque ad malus. L’on pourrait aussi revenir sur la serre flambante comme la boutique de souvenirs country chic, l’épicerie divinement achalandée en produits du cru pour la plupart labellisés bio quand ils ne proviennent pas du domaine, le bar à cidre sous les arbres ou l’impressionnant Garden Café conçu en débord du paysage. Il y aurait en effet beaucoup à dire sur l’un ou l’autre et surtout sur ce dernier où la cuisine dépouillée du chef Alan Stewart a trouvé dans la fraicheur absolue des produits une évidence désarmante s’il n’y avait aussi cet hôtel dont rendre compte. Mais peut-on parler encore d’hôtel ici ? Difficile de résumer ou de tenter de réduire ce havre de paix en un objet si commun. The Newt n’est pas un mais pluriel. Ses hébergements presque tous uniques réservent autant d’expériences à vivre selon l’humeur, la saison ou les circonstances qu’ils ne donnent de raisons de revenir. Rares sont les lieux à pouvoir s’enorgueillir d’un tel pouvoir d’attraction tout en nourrissant autant d’indécision.

« Difficile de résumer ou de tenter de réduire ce havre de paix en un objet si commun. The Newt n’est pas un mais pluriel. »

Bien malin, en effet, celui qui saura choisir sa chambre sans regretter immédiatement de ne pas en avoir pris une autre. On serait tenté de croire que les amoureux des grands espaces et les amoureux tout court optent sans hésiter pour l’une des magnifiques Hadspen garden view rooms ouvrant à l’étage de la bâtisse principale sur le jardin et notamment pour celle réservant un véritable salon de bains avec jeu de miroirs, baignoire de marbre, double douche et double exposition mais ce serait sans compter sur celle imaginée comme un jardin d’hiver avec terrasse, cabine de douche multi-jets et baignoire d’argent à l’ancienne. Que dire de l’unique écrin aménagé au centre du domaine dans l’ancien grenier à grains ouvert sur les frondaisons avec son lit en estrade, sa salle de bains souterraine, ses peaux de bêtes, ses pierres apparentes et sa douce odeur de bois ? A-t-il pour autant de quoi voler la vedette aux impressionnantes chambres imaginées dans les écuries ? Cruel dilemme pour les amateurs d’authenticité et de sensations inédites. Avec leurs sombres kitchenettes, leurs poêles flambants, leurs spectaculaires salles de bains et leur divins lits enchâssés dans les box d’époque, elles dégagent un charme fou que lui envieraient bien les lofts tout blancs à l’étage si ceux-ci n’avaient pas déjà de quoi faire plier les plus exigeants avec leurs fenêtres ouvertes sur une nature tout en verdure. Conçus dans l’esprit des fameux cottages de Babylonstoren ils marient là-encore style country et épure contemporaine autour de lits traités en majesté comme dans la Clock House de 4 chambres idéale pour un groupe de copains ou une famille nombreuse. Indépendante, avec son salon central bercé par le crépitement du feu et le tic-tac de l’horloge résonnant encore dans son impressionnant coffre de bois, elle sait, elle-aussi, faire entendre sa différence.

« Chacune de ces chambres a en commun, au-delà de ses remarquables différences, d’être en résonance avec l’époque et surtout l’environnement dans lequel elle s’inscrit »

Chacune de ces chambres a en commun, au-delà de ses remarquables différences, d’être en résonance avec l’époque et surtout l’environnement dans lequel elle s’inscrit. Cocons aux tonalités neutres et aux matières naturelles dont les portes aiment à rester comme les fenêtres ouvertes sur le silence de la campagne, elles ne se quitteraient qu’à regret si The Newt ne disposait pas d’installations remarquables disséminées entre les dépendances et la maison de maitre. Même en cas de pluie, on chausse très volontiers les bottes mises à disposition pour frayer entre potager et verger en direction de la salle de sport dernier cri et grappiller quelques fraises des bois en chemin ou piocher une salade pour le déjeuner. Avec son impressionnante baie vitrée d’un seul tenant sur le jardin, elle donne à elle seule un aperçu de la démesure d’un projet qui, sans trahir de secret, se prolongera encore au printemps prochain. A l’instar de cette dernière, le spa tout en pierres et en ouvertures de verre avec sa piscine intérieure-extérieure rappelle la portée holistique du domaine et cette volonté de reconnecter gentiment chacun avec la terre. Là encore aucun didactisme, aucune injonction, juste la suggestion d’un monde placé sous le signe du beau et du bon. Karen et Koos n’ont pas oublié que tout cela devait passer par des joies simples à l’image des petits chevaux à bascule disposés dans les chambres ou de ces coquetiers entre pâtes de poule et nids de paille servis chaque matin aux Botanical rooms placées sous les houlette de Ben Abercrombie. Une forme d’irrévérence ou tout du moins d’amusement n’enlève rien à l’élégance.

« Aucun didactisme, aucune injonction, juste la suggestion d’un monde placé sous le signe du beau et du bon. »

Au bar où un verre s’impose entre deux parties de croquet ou de jeux de société, les portraits de famille se tronquent aimablement quand au restaurant couleur verdure, les objets se multiplient. The Newt ne se contente pas d’être la parfaite carte postale d’une vie de château dans la campagne anglaise où sonne le high tea sur les coups de 17h, il en offre une relecture aussi réjouissante qu’immanquable !

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

resort
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À partir d'env. 285€/nuit

accueil personnalisé • petit déjeuner • 1 expérience table d’hôtes pendant le séjour

 
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