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Le cachet fait toujours foi !

Ranger 1898 the Post dans la catégorie des Design-boutique hôtels pourrait paraître pour le moins anachronique car de design, dans sa conception la plus triviale, il ne saurait ici être question. Si l’on considère par contre la discipline comme un dessein plus global et harmonieux alors oui, le dernier né des hôtels Zannier y a toute sa place.

Quand certains s’entendent à vouloir faire rimer nouveauté avec modernité, d’autres comme Géraldine Dohogne, en charge justement du design pour le groupe, préfèrent parler de respect et d’authenticité. Quand on la charge d’un bâtiment daté de 1898 emblème de toute une ville pour avoir abrité en ses murs jusqu’à la fin du siècle dernier l’Hôtel des Postes, l’occasion était assurément trop belle pour ne pas préférer l’hommage et la référence même littérale plutôt que la disruption ou l’irrévérence. Géraldine avait déjà fait le même choix pour le Chalet éponyme à Megève ou Phum Baïtang à Siem Reap, ce sera encore le cas demain pour le très attendu Omaanda, le premier des trois lodges qu’elle s’apprête à ouvrir en Namibie le 1er juillet prochain.

« Quand certains s’entendent à vouloir faire rimer nouveauté avec modernité, d’autres (...) préfèrent parler de respect et d’authenticité »

En anticipant l’ouverture de 1898 The Post, j’avais présagé que tout passerait comme une lettre à la poste et sans fausse note. Force est de constater que le résultat ne manque pas d’élégance et de bon sens. Mieux que cela, il donne de manière non équivoque à la ville de Gand, l’hôtel qu’elle était en droit d’attendre et le tourisme qui lui faisait défaut ou qui s'y contentait d’une excursion à défaut d’un séjour. Les torts sont désormais réparés. L’on peut désormais s’enivrer à loisir des charmes de la capitale des Flandres, flâner le long de la Lys et de ses canaux chers aux symbolistes, déambuler sous ses étonnantes façades médiévales, renaissance ou baroques et rester médusé par la vue sur les trois tours de Gand (Saint-Nicolas, le Beffroi et Saint-Bavon) en enfilade depuis ses balcons.

« 1898 The Post ne se contente pas d’offrir de ses fenêtres mille points de vue sur la ville, il en est le porte étendard pour ne pas dire l’incarnation »

1898 The Post ne se contente pas d’offrir de ses fenêtres mille points de vue sur la ville, il en est le porte étendard pour ne pas dire l’incarnation comme ce fut le cas en ce matin d’un des derniers jours d’hiver quand le soleil vint à bout des glaces de canaux raidis par le froid et dissémina l’épais manteau de neige tombé la veille. S’éveiller au son du tocsin, ouvrir ses fenêtres sur la place du Marché aux Grains, courir le long du Graslei désert avant de grimper les escaliers quatre à quatre et s’attabler au coin du feu pour un petit déjeuner aussi complet que séduisant donne la parfaite mesure de cet art de vivre nordique et de cette lumière si particulière. Du matin au soir, la fameuse lumière du Nord qui enchanta les peintres de Vermeer à Spilliaert et régale aujourd’hui l’œil du photographe au détour de chaque couloir ou escalier de cette bâtisse néo-gothique rendue à ses jours d’antan. Même si, çà et là, quelques éléments techniques viennent rompre l’harmonie générale et l’atmosphère délicieusement surannée des lieux, le parfum des cuirs et des livres anciens, la douceur et le poids des lourdes tentures, la fraicheur du marbre comme l’impeccable toucher des murs matifiés d’un vert tout impérial flattent allègrement les sens.

« Du matin au soir, la fameuse lumière du Nord qui enchanta les peintres de Vermeer à Spilliaert et régale aujourd’hui l’œil du photographe au détour de chaque couloir ou escalier de cette bâtisse néo-gothique rendue à ses jours d’antan »

La reconstitution qui tient ici du travail d’entomologiste se veut exemplaire. Pas un centimètre carré n’a été laissé au hasard ou au vide au point de parfois frôler l’overdose. On n’ose compter le nombre de bibelots et pièces de mobilier patiemment chinés dans toute l’Europe pour redonner vie à ces lieux restés longtemps en déshérence. On ne s’étonnera donc pas de trouver dans chaque chambre, une collection de livres choisis et d’antiquités savamment agencées, des bureaux rappelant les joies de l’écriture et de l’étude avec cartes postales, lettres anciennes, sous-main, encrier, loupe et pot à crayon de rigueur. Tout est d’une si parfaite cohérence qu’on en oublierait les écrans de télévision fondus dans les murs ou l’impeccable confort des salles de bains divinement agrémentées de produits Le Labo.

« Les multiples ouvertures de l’édifice sont autant d’observatoires sur les beautés du dehors, de l’imperturbable noblesse des façades aux incessantes déambulations des passants, que de muets témoins de la vie intérieure se déroulant à l’abri du temps »

En dépit de tarifs très mesurés, même la plus petite des 38 chambres et Suite de cet Hôtel des Postes n’a pas plus renoncé au luxe qu’à la commodité et il est bien difficile de marquer sa préférence entre les 14 catégories proposées et répondant aux noms évocateurs de « Stamp », « Envelope », « Postcard », « Carriage » ou « Letter ». Évidemment, les Suites, toutes uniques, ont de sérieux atouts à commencer par la « Tower Suite », balcon invraisemblable sur la ville comme tanière diablement romantique. Que l’on voudrait paresser des jours et des nuits dans ces draps immaculés ou s’afférer à cette table avec vue. Il y aurait tant d’histoires à écrire ici. Si la 23 ou la 18 avec leurs canapés aux douces tonalités sont d’autres invitations à la paresse, la « Carriage with Terrace » s’avère, comme son nom le présuppose, irrésistible. Ses chaises et sa table, même au pâle soleil de l’hiver, n’ont pas de prix car cette ville, on la désire à cette loge comme on l’embrasse de toute part. Les multiples ouvertures de l’édifice sont autant d’observatoires sur les beautés du dehors, de l’imperturbable noblesse des façades aux incessantes déambulations des passants, que de muets témoins de la vie intérieure se déroulant à l’abri du temps. En éclairant chaque instant d’une lumière particulière, elles donnent à cet hôtel un charme désuet et oublié, celui du temps où l’on savait justement le prendre et s’émerveiller d’une simple rai sur une latte de parquet vermoulu, un drap tout juste froissé, l’ourlet d’un rideau tiré à la hâte ou le battant d’un volet négligemment laissé ouvert.

« À la fois maison, par son cachet et l’intimité de ses salons, grand hôtel pour la qualité de son service et l’ampleur de ses proportions, lieu d’expérience dans sa manière de ressusciter la passé, 1898 the Post n’en reste pas moins le parfait prototype du design-boutique hôtel »

À la fois maison, par son cachet et l’intimité de ses salons, grand hôtel pour la qualité de son service et l’ampleur de ses proportions, lieu d’expérience dans sa manière de ressusciter la passé, 1898 the Post n’en reste pas moins le parfait prototype de ce design-boutique hôtel qu’inventa Anouska Hempel à Londres au détour des années 80. Mais contrairement aux Soho House avec lesquelles il partage ce sens de l’histoire et du vernaculaire, il ne dispose malheureusement, en dehors de ses deux bars dont un réservé uniquement à l’usage de ses clients et planqué dans une des tours, ni de spa et encore moins de restaurant à proprement parler qui lui auraient valu le qualificatif bien qu’hasardeux de resort urbain. Dans la vie, on ne peut pas avoir toutes les pelles et les seaux encore moins toutes les qualités et c’est bien ainsi. Sous ses dehors classiques, 1898 the Post ne s’embarrasse pas des conventions préférant servir à l’heure de déjeuner de simples assiettes mais bien troussées par Julien Burlat, toujours lui, ou quelques tapas en accompagnement des cocktails du Cobbler, le bar que le tout Gand a déjà pris comme repère.Autrefois on allait à la poste en trainant des pieds, aujourd’hui on y savoure le temps qui passe.

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

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À partir de 135€/nuit

 
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