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Amankora, sur la route du bonheur !

Il est des voyages qui marquent les esprits plus que d’autres, qui s’en vont travailler les tréfonds de l’âme, traquer les soubresauts du cœur, extirper les larmes parce qu’ils ont ceci que d’autres n’ont pas, cette essentielle capacité à dé-payser, à faire sortir du cadre et bousculer la zone de confort de chacun.

Cela peut se provoquer bien sûr mais aussi venir le plus naturellement du monde, suinter par essence ou déborder sans effort. Combien de dirigeants, d’hôteliers, d’acteurs en tout genre pour penser que nous, citoyens de ce monde toujours plus vaste et par trop exigeant n’attendons qu’une chose, de retrouver nos marques, nos habitudes, nos simulacres et nos attributs. Oui, nous réclamons sans honte ce droit au confort et à la beauté du voyage mais avant tout nous exigeons de la cohérence et du sens. Voyager c’est accepter d’être déracinés, déroutés. Comment apprendre sans découvrir, comprendre sans partager. G.K. Chesterton disait : « Le voyageur voit ce qu’il voit, les touristes voient ce qu’ils sont venus voir ». Qu’avons-nous à faire de célébrations d’une culture ou d’une religion étrangère sous des latitudes lointaines, d’excès de technologie ou de d’amusement dans des paysages divertissants.

« Dieu merci, le Boutan fait partie de ces rares pays que rien ou presque n’est venu ébranler »

Dieu merci, le Boutan fait partie de ces rares pays que rien ou presque n’est venu ébranler. Émancipé du Tibet, vierge de toute domination, il est l’un des derniers bastions, l’une des rares barrières à un monde occidental et capitaliste qui nous dérange de plus en plus dans ses excès. Dire que ce dernier ne fait pas rêver ici serait mentir, mais par la volonté d’un couple royal aussi séduisant qu’adulé, d’une constitution presque inébranlable et d’une politique touristique imposant des conditions de séjour aussi rigoureuses que sélectives* (minimum de 250$/jour et par personne pour une entrée, un permis de circuler, un guide, un chauffeur et un hébergement standard), pollution visuelle et sonore, agressivité et détresse se tiennent à bonne distance de ce pays où le bonheur a été érigé non seulement comme quête mais aussi comme mesure de la richesse nationale. Une incongruité qui devrait cesser de faire sourire et inviter au respect car quiconque posera un jour le pied ici saura de quoi il en retourne. Oui, il est donc possible de vivre heureux ou tout du moins apaisé, d’afficher un sourire sans masque, de faire preuve d’allant et de compassion. Cela passe sans doute par une croyance sans faille, un peu voire beaucoup de superstition, une morale imparable et une certaine réserve qu’un Bouddhisme tantrique entretient du soir au matin et d’une frontière à l’autre.

Rarement un pays n’impressionnera autant que celui-ci. Qu’Aman en ait accompagné l’ouverture au tourisme depuis près de 15 ans n’est en rien étranger à l’expérience hors-norme que l’un et l’autre ont ici imaginés et qui commence au terme d’un parcours aérien spectaculaire ayant pour point de vue la chaine de l’Himalaya et comme point de départ, très matinal, Bangkok, Delhi ou Bangalore. Ce teritoire de la taille de la Suisse se mérite vraiment, ce qui le rend peut-être encore plus attachant et bien plus désirable que son homologue helvète. Ses paysages alternant vallées verdoyantes, ici plantées de riz, et riches de fruits aussi variés qu’exotiques et sommets enneigés n’ont de comparable que leur typographie, ses habitants en nombre identique ont autrement l’air plus heureux et ses fermes-maisons peintes des couleurs bien plus joviales. Que dire de ce soleil qui réchauffe par-delà 20°C en plein hiver quand les matins tutoient le gel, que dire de ces brumes de charbon de bois s’échappant des cheminées, encombrant les vallées et enveloppant la cime des arbres. Le Bhoutan a la couleur mais pas le goût de l’Helvétie. Dès la descente de l’appareil, lorsque le pied se pose sur le tarmac, que le soleil embrase le paysage encore pris dans les limbes d’un matin glacé et que les yeux s’embuent, l’on sait au fond de soi que l’on vient de se faire la promesse de revenir. Ce n’est pas l’accueil enjoué du chauffeur et du guide vêtus de ce gho traditionnel qu’on aimera retrouver et porter tout au long du séjour qui en dissuaderait.

« Le Boutan a la couleur mais pas le goût de l’Helvétie. Dès la descente de l’appareil, lorsque le pied se pose sur le tarmac, que le soleil embrase le paysage encore pris dans les limbes d’un matin glacé et que les yeux s’embuent, l’on sait au fond de soi que l’on vient de se faire la promesse de revenir. »

La route jusqu’à Thimphu, la capitale et première étape du périple imaginé par Aman menant à travers le pays et cinq de ses vallées, suffit à peine pour prendre connaissance du programme de réjouissances spécialement imaginé en amont et consigné avec un art consommé sur papier mâché. La découverte de ce livret délicat, des feuillets de bambou initiant au vocable local, le Dzongkha, à la topographie des lieux ou à la liste des représentants des quelques 500 membres de cette famille Aman que l’on fera sienne pendant quelques jours en dit déjà long sur cette aventure se vivant en exclusivité dans des lodges n’accueillant jamais plus de 32 pensionnaires à la fois. Le premier d’entre eux et qui constitue presque obligatoirement le point d’entrée dans ce pays résolument hors du commun est comme les autres dessiné par l’architecte australien Kerry Hill, auteur de très nombreux Aman dont Wella, Galla, Tokyo ou plus récemment Amanyanguyn Sa définition des volumes et sa notion d’espace ont avoir avec la taille de son talent, immense. Le comité d’accueil présent au départ ou à l’arrivée dans un cérémonial empreint de religiosité et plein d’égards donne la mesure des lieux, même en nombre, il ne parvient pas à faire oublier la monumentalité et l’excessive photogénie des lieux. Chacun d’entre eux, de Bhanu à Adeline en passant par Phuntsho formera au gré de ses pérégrinations dans les lieux d’admirables et sombres contrepoints à la blancheur de surfaces surexposées à un soleil radieux. Si le blanc s’affiche sans honte en extérieur contrastant avec le gris de la pierre, le miel du bois et le vert de gazons où s’abandonnent avec délectation la meute de chiens recueillis par John Reed, le maître flamboyant et ô combien charmant des lieux, c’est le noir qui élit domicile à l’intérieur ou tout du moins le sombre, comme dans un jeu de yin et de yang qui ne trouve pourtant pas d’autre résonance dans ce pays de cocagne.

[columns_row width="third"][column] [/column][column] [/column][column] [/column][/columns_row][columns_row width="third"][column] [/column][column] [/column][column] [/column][/columns_row][columns_row width="third"][column] [/column][column] [/column][column] [/column][/columns_row]Ce contrejour permanent et stimulant nous plonge dans une alternance de tableaux grandioses et de scènes intimistes dignes du maitre de Vic-sur-Seille. Georges de la Tour aurait en effet trouvé dans ces douces caresses du soleil et ces ombres fugitives de quoi ravir son pinceau délicat. Les bouleaux et mélèzes aux silhouettes incisives et tutélaires encerclant la propriété, se jouant eux aussi d’une lumière sans pareille, renvoient eux à d’autres maitres, plus symbolistes ou contemporains comme Spilliaert ou Bae Bien U. Mais qu’importe le nombre et la diversité des rapports ou des réminiscences qui viennent ici nous titiller ; à Amankora Thimphu, il est une petite mélodie qui, elle, va s’insinuer aussi rapidement que sûrement au creux de nos oreilles, au contact de nos pupilles et au fin fond de notre cœur pour ne plus jamais en sortir : celle du bonheur !

« À Amankora Thimphu, il est une petite mélodie qui, elle, va s’insinuer aussi rapidement que sûrement au creux de nos oreilles, au contact de nos pupilles et au fin fond de notre cœur pour ne plus jamais en sortir : celle du bonheur ! »

Bonheur du partage et de l’initiation à une culture passant passe par un spectacle de danses haut en couleurs autour d’un brasero et à l’abri de plaids douillets chauffés de bouillottes assorties, bonheur de la découverte avec des offrandes, déposées au creux de l’oreiller par des visiteurs du soir tout droit sortis d’un rêve, mêlant cloches d’argent à faire tinter, drapeaux à tendre entre les arbres, gho prêts à être enfilés, écharpes de soie blanche dont se parer, petit précis d’humour, de poésie, de spiritualité à se souvenir, bonheur d’une chaire s’avérant remarquable, ce qui est assez rare pour être noté, sous la houlette de Peter Huelle, l’un des 6 chefs dépêchés ici et bonheur simple, bien sûr, de respirer un air pur et frais et dont le paroxysme viendra dès le lendemain en haut de la passe de Dochula. Mais je m’emballe déjà et brule les étapes de cette odyssée se poursuivant à Amankora Punakha et qui fera également l’objet d’un report complet à suivre prochainement. Il faut avouer que pour beaucoup, peut-être moins sensibles à la question de l’architecture, Amankora Thimphu, malgré sa localisation parfaite au cœur de la forêt, n’offre pas beaucoup de réjouissances pour les amateurs de randonnées spectaculaires ou de sites historiques remarquables. Il y a bien le Chorten, ce lieu de ralliement où tout un chacun ira de son petit tour, dans le sens des aiguilles d’une montre, ou ce spectaculaire temple d’or appelé Dordenma et offert à la gloire de Bouddha par un généreux mécène pour ravir les impatients, mais l’un comme l’autre ne sont que de modestes préludes à ce voyage qui va enchainer ciel d’azur, poudre d’or et nuances de rouge inoubliables comme à Dochula. Celui qui aura y voir la chaine de l'Himalaya offrir ses sommets enneigés par delà la cime des arbres, la crête moutonneuse des nuages et le faîte de ses 108 stupas reviendra transporté et peut-être à jamais transformé.

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

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À partir de 1.750€/jour en formule tout inclus : voiture, guide et chauffeur privés, pension complète, service de blanchisserie quotidien

Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 100$ hotel credit • accueil personnalisé

 
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