Back from... Anantara Chiang Maï
En parfaite harmonie !
De longs couloirs striés de bois clair et percés d’une lumière quasi divine, des pylônes trempés dans l’encre comme d’impavides mikados, des paravents de teck rougeoyant aux derniers rayons, des bassins en réflexion à peine troublés de carpes koi multicolores, des pelouses impeccablement manucurées en angle droit... Il n’en faut pas plus pour surprendre au pays du toit retroussé et de l’ornement débridé et faire penser à une erreur d’aiguillage. Il n’en est rien, nous sommes bien à Chiang Maï au sein de l’immanquable chef d’œuvre à porter une nouvelle fois au crédit du prolixe et brillant Kerry Hill. L’auteur d’Amankora, d’Amanwella, d’Aman Tokyo, d’Amangyangyun, d’Amanemu, du Lodhi (ex Aman Delhi) des Dataï, Sukothaï et autres Chedi ne s’est ni trompé de destination ni de style.
Le fin connaisseur et chantre de l’architecture asiatique connaît son sujet sur le bout de son équerre. Ce qui pourrait paraître de prime abord bien éloigné des Wats, ponctuant la ville de leurs toits multicolores ourlés d’or, s’avère pourtant fort proche et pas seulement par la distance. Dans cette « Rose du Nord » qui compte un nombre presque incalculable de lieux de dévotion tous plus échevelés les uns que les autres, l’Anantara Chiang Maï, autrefois sous enseigne Chedi, s’impose comme une relecture contemporaine de cet héritage lanna, lui empruntant son spectre de couleurs dans un savant détournement à l’impeccable rigueur.
Avec le temps, il n’a pas perdu de sa superbe et encore moins de son à-propos. Les coiffes ornant la réception ou les plus modestes artéfacts ponctuant les 84 chambres et suites de ce paquebot moderniste ne sont pas de banals témoins incongrus mais des contrepoints aussi raffinés qu’essentiels à la compréhension d’un ensemble à la parfaite géométrie dans lequel viennent s’insérer çà et là d’autres pièces aussi historiques que conséquentes. Comme à son accoutumée, l’architecte australien a conçu un écrin parfait pour laisser s’exprimer la culture locale doublé d’un camp de base idéal pour s’élancer à sa découverte.
Positionné en plein centre-ville et aux abords bucoliques de la rivière Mae-Ping, l’Anantara Chiang Maï a donc ce double avantage d’être à la fois le point d’attraction de la ville comme le point de départ à toute découverte de l’ancienne capitale du royaume du Nord qu’elle se fasse à pied ou en tuk-tuk, moyen de transport décidément aussi idéal que réjouissant en l’absence de vélos. Derrière la double paroi de claustras le protégeant à peine du tumulte urbain, la ville trépidante attend d’happer le touriste prêt à s’enivrer de ses délices et artifices, quoi qu’on en dise assez bon marché dans cette Thaïlande (trop) gâtée à mon goût. Le fameux Night Bazaar est à moins de 5 minutes à pied et le reste des attractions à guère plus. C’est donc un ballet incessant et néanmoins policé qui se donne en spectacle dans ce hall grand ouvert sur les jardins et bassins de contemplation devant lesquels résidants et hôtes de passage s’installent avec un plaisir égal à toute heure du jour ou de la nuit pour contempler dans leurs eaux étales la magie des reflets de l’historique Ambassade d’Angleterre toujours debout et désormais cadre du 1921, le restaurant pan-asiatique des lieux. Tandis que les uns prennent un thé délicieusement colonial entre ombre et lumière, les autres y font leur check-in après un transfert de l’aéroport offert et assuré en limousine parfaitement équipée entre mini bar, wifi et tablettes Ipad.
Ici, on pousse volontiers le confort et l'élégance un cran au-dessus en offrant jusqu’à la possibilité de choisir son parfum préféré pour les produits d’accueil en chambre, chambre que l’on prendra soin de transformer en Suite pour passer de 50 à 105 m2 et accessoirement profiter du Lounge associé à cette catégorie. Dans tous les cas, on disposera toujours d’une vue sur les jardins ou mieux encore sur la rivière au premier plan. Les balcons et terrasses, autres observatoires non moins idéaux pour capter chaque inflexion de la lumière qui du matin au soir vient faire scintiller les flots ou lécher ces façades de tek rougeoyantes, seront juste un peu plus vastes pour les Suites que pour les chambres. Pour le reste, le même souci du détail s’impose tout comme le sens des volumes et de l’espace à vivre. On aime tout sans réserve dans ces cubes de faïence cramoisie, d’ardoise et de bois couleur miel, à l’exception peut-être des téléviseurs comme si le spectacle qui se jouait dehors n’était jamais suffisant, comme si l’on pouvait se passer des danses traditionnelles ou des musiciens se produisant à la lueur de la lune, ou se priver de ne pas s’en aller compter en cas d’insomnie et à défaut de moutons, les boutons de nénuphars sculptés et déposés par des mains expertes à la surface de chacune des jarres ornant chaque recoin de cette propriété définitivement charmante. Même si les restaurants ont été remaniés depuis et si l’on aurait pu se passer d’un folklore colonial un poil trop marqué, rien ne saurait entacher la qualité d’une cuisine qui sait se faire aussi gourmande que généreuse ou les mérites d’un personnel autant serviable qu’aimable.
Le Spa, forcément signé Anantara et dont la salle de repos blottie derrière une rangée d’ajoncs domine un couloir de nage jouant des coudes avec la rivière et prolongé d'un bassin de méditation, s’avère lui aussi remarquable à l’usage. Certes, l’on pourrait rêver d’un bateau ou de tuk-tuks aux couleurs de l’hôtel pour porter encore un peu plus loin l’expérience mais il faudrait se montrer fort critique pour enlever à la beauté insolente ou au charme désarmant d'un lieu devenu aussi essentiel à Chiang Maï qu’au souvenir. Cet Anantara-là, en parfaite harmonie avec la ville qui l'héberge, réjouit à chaque instant.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir d'env. 166€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 1 massage de 50min pour 2 pers.• petit déjeuner • accueil personnalisé