Back from… Babylonstoren

Un avant-goût de paradis !

Si Dieu avait voulu donner aux hommes un jardin, il ne s’y serait pas mieux pris qu’en leur offrant Babylonstoren.

Baptisé ainsi en hommage à la silhouette aussi conique qu’iconique du Simonsberg au pied duquel il déroule ses bosquets, ce jardin de cocagne porte son nom avec une fierté renouvelée depuis plus de trois siècles. Mais il aura fallu attendre son acquisition en 2007 par le magnat Koos Bekker et son épouse Karen Roos, ancienne rédactrice en chef du Elle Décoration sud-africain, pour que l’ancienne propriété de Pieter van der Byl qui l’irrigua et y planta les premières vignes en 1692 sur quelques 200 hectares, passe du statut de ferme à celui de paradis sur terre. Ce qui n’était alors qu’une exploitation agricole capable de fournir les équipages de passage au Cap à une heure de là s’est transformé à la faveur de cette acquisition en un conte de fées relativement confidentiel avant de se muer en une véritable petite entreprise qui ne connait pas la crise.

« Ce qui n’était alors qu’une exploitation agricole capable de fournir les équipages de passage au Cap s’est transformé (...) en un conte de fées relativement confidentiel avant de se muer en une véritable petite entreprise »

La maison à grains, la cave, le poulailler, le pigeonnier, le cellier, les étables, les dépendances agricoles, l’école, les cases des laboureurs, tous ces anciens bastions du style Cape Dutch ont non seulement trouvé une seconde vie avec l’aide de Johan Malherbe à l’architecture et celle de Patrice Taravella au paysage mais aussi une envergure internationale au point de faire dire à raison à une presse autorisée « qu’un voyage au Cap ne serait pas complet sans un week-end dans la région viticole et une nuit à Babylonstoren ». Sa réussite en est à ce point exemplaire que la pipe pour l’homme, la fleur pour la flore et l’oiseau pour la faune composant le logo de cet état dans l’état s’apprête à être hissé dans les prochains mois au fronton d’Hadspen House dans le Sommerset anglais, terrain de jeu d’un second Babylonstoren.

« Un voyage au Cap ne serait pas complet sans un week-end dans la région viticole et une nuit à Babylonstoren »

Babylonstoren est plus que jamais cette mythique Babel au langage commun et aux ambitions démesurées, cette chance pour l’homme comme le voyait François Marty ou Emmanuel Levinas. Bien plus qu’un retour à l’histoire ou aux traditions, Babylonstoren s’efforce, avant tout, de définir les contours de la ferme du futur à l’instar de ses treize cottages reconstruits dans le plus pur style Cape Dutch et agrémentés pour la plupart de cubes de verre abritant des cuisines grandes ouvertes sur la nature et la lumière. Bien que dotées de baignoires à sabots, de lits à baldaquins ou de traditionnelles cheminées, ces habitations bucoliques aux murs chaulés de blanc et aux volets de bois verts ont été équipés de téléviseurs incongrus et agrémentés de mobilier sériel ou industriel pour partie signé Starck, Kartell ou Bouroullec qu’on retrouve également dans les 9 suites de la Ferme. Si le choix peut paraître discutable et quelque peu daté, il affirme cette volonté d’éclectisme et de modernité des propriétaires dont l’historique Manoir de 1777 avec ses neuf chambres a toutefois été préservé. Loin de tout parti-pris décoratif, on regrettera que l’ensemble n’ait pas la convivialité ou le confort extrême d’une Soho Farmhouse. Mais il faut reconnaître que si Babylonstoren se rapproche parfois du parc à thèmes tant les jardins, restaurants, boutiques et caves reçoivent désormais de curieux et d’habitués, l’esprit des lieux a su être préservé dans sa forme la plus simple.

« l’esprit des lieux a su être préservé dans sa forme la plus simple »

Ceux qui auront opté pour un séjour en cottage à pignon orné et toit de chaume trouveront encore le seau en extérieur sur le pas de la porte, un banc sur lequel retirer ses bottes après l’ondée ou paresser sous le soleil, comme l’Opinel planté dans la caisse à vins servant de panier à fruits du jardin livré chaque matin. Protégés du reste du domaine par de simple barrière en bois mues par d’astucieuses poulies, Ils salueront leurs voisins d’un air entendu dans l’allée ombragée et s’en iront au spa ou aux piscines comme s’ils se rendaient à l’église. Dans ce décor à l’insolente filmogénie qu’on croirait arraché d’une page d’un livre d’histoire, traversé par d’hardis écureuils et enchanté par le piaillement de pas moins de 78 espèces d’oiseaux, il est bien difficile de s’échapper sauf à vouloir explorer encore plus de ce domaine qui paraît sans limite et dont seule la route bordant les vignes semble marquer le territoire.

« Dans ce décor (...) qu’on croirait arraché d’une page d’un livre d’histoire (...) il est bien difficile de s’échapper »

Il faut dire que Babylonstoren a tout du paradis qu’on voudrait garder pour soi et ne pas avoir à partager. Les ânes pâturant, les oies, poules, dindons et canards déambulant en file indienne ou les tortues errantes renvoient cette Babylone d’aujourd’hui à ses origines mythologiques. Les jardins de l’ancienne cité mésopotamienne n’avaient sans doute rien à envier à ces quadrilatères bordés de haies, pergolas, treilles qu’il faudrait pouvoir admirer du ciel pour en apprécier tous les contours. Avec plus de 300 variétés de plantes comestibles ou à valeur médicinale dont les dénivelés et la gravité assurent l’approvisionnement en eau, ce garde-manger biologique à ciel ouvert où opère une vingtaine de jardiniers ne fait pas que le bonheur des promeneurs ou des enfants qui participent à la cueillette de bon matin. Il fournit chaque jour les trois restaurants du domaine complétés d’une épicerie, d’une boulangerie, d’une charcuterie et d’un fromager où hôtes de passage et résidents peuvent s’approvisionner.

« Il faut dire que Babylonstoren a tout du paradis qu’on voudrait garder pour soi et ne pas avoir à partager. »

Si la Greenhouse installée sous la serre offre un cadre propice pour un déjeuner sur le pouce après une promenade au jardin, on lui préfèrera de très loin Babbel son grand frère à visée gastronomique et tout en verre sis dans l’ancienne étable, non pas que l’esprit plateau en bois et bocaux Weck n’ait pas son charme bien au contraire mais même le meilleur des produits ne saurait s’accompagner de sa seule naturalité. Il y a là peut-être un travers un peu brutal à vouloir faire gouter le radis en fanes, la rondelle d’orange, le bouquet de brocoli dans leur forme la plus nue sans aucune autre forme de procès ou d’artifice. Ce qui passe parfaitement bien en guise de sucette-découverte en préambule d’un repas ne saurait être érigé en un précepte qui colonise jusqu’à la table du petit déjeuner sans doute le plus instagrammable au monde. S’il est certes un plaisir hors du commun de lire chaque jour sur le mur carrelé de blanc, les récoltes comme les semis du jour en herbes, fleurs, fruits et légumes que l’on retrouve merveilleusement arrangés en paniers d’osiers et verreries de laborantin, on préférerait les voir assemblés entre eux dans des recettes aussi délicieuses que plaisantes à l’œil. Plus stylisées que cuisinées les assiettes fort généreuses supervisées par Maranda Engelbrecht n’ont peut-être pas le goût ou la retenue de celles de Sky Gyngell à Heckfield Place, par exemple mais qu’importe. Elles font accourir ventre à terre les foodistas du monde entier comme à The Bakery pour y engloutir pizzas sortis du four et autres délices sur planches auquel seul un appétit de sud-africain peut faire un sort. En renouvelant l'expérience de la ferme à la table, en cuisinant uniquement ce que la nature a à offrir, localement et sans raffinement excessif qui consisterait à enlever la peau, en jouant sur la combinaison fruit-légume, en associant les couleurs, la cuisine de Babylonstoren fait avancer le monde sur la voie de la fraicheur et de la simplicité.

« D’autres pousseront encore « la porte de Dieu » et c’est tant mieux ! »

Alors qu’il s’apprête à ouvrir, plus près des vignobles et des vergers, de nouveaux cottages baptisés Fynbos, Babylonstoren continue son bonhomme de chemin, à la fois moderne et authentique, sans que les carpes Koï colonisant ses bassins ou les abeilles de ses ruches ne s’en montrent troublés. D’autres pousseront encore « la porte de Dieu » et c’est tant mieux !

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

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À partir d'env. 450€/nuit

activités sur site • petit déjeuner • accueil personnalisé

 
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