Back from… Casa Flora Venezia
Benvenuti a Casa !
Voilà bien la magie de Venise, cette capacité à se renouveler sans cesse dans un décor pourtant immuable. À peine la Biennale d’Art a-t-elle fermée ses portes que celle dédiée à l'architecture lui emboite le pas. Ainsi Casa Flora, qui avait fait le buzz l’année de son ouverture en 2017, se retrouve à nouveau sur le devant de la scène. Non content d’avoir été ici le sujet d’un « c'est soon, c'est cool» bien avant tout le monde, d’avoir été sélectionné par la suite par le Conde Nast Traveler dans sa désormais incontournable mais faillible liste des perdreaux de l’année, le projet tant attendu de Gioele Romanelli profite de l’occasion pour refaire parler de lui. Dans quelques jours à peine, Casa Flora, accueillera en ses murs ou dans la cour qu’elle partage avec le très archaïque Hotel Flora, autre propriété de la famille Romanelli depuis 3 générations, la présentation d’une sélection d’objets usuels sélectionnés par Simone Polga, Diego Paccagnella et Giacomo Torsani mais aussi et surtout une rencontre avec le maestro David Chipperfield sans parler d’une série d’évènements orchestrés par le très influent magazine Deezen qui y prendra provisoirement ses quartiers.
Impossible donc de ne pas profiter de cette occasion pour revenir avec un peu de retard sur le séjour effectué là-bas, dans ce qu’il convient d’appeler un lieu d’expérience plus qu’un véritable « home away from home », non pas que le confort en soit absent mais parce que ce lieu a été réellement pensé pour cela par Paccagnella, fondateur de Design-Apart à New York. Peu importe que l’on décide de recevoir, in-situ et moyennant finances, les chefs de chez Esto pour des ateliers ou des diners sur mesure, les créateurs de Gabrielle Gmeiner pour la confection de souliers eux-aussi sur mesure, ce « piano-nobile » à l’apparente simplicité - un peu trop peut-être - se veut autre. Qu’importe qu’on y séjourne en groupe ou en mode individuel, Casa Flora ambitionne de provoquer des rencontres ou de favoriser les échanges autour de sa cuisine 'turchese" et de sa véritable salle à manger, deux luxes à Venise pour qui aime se mettre aux fourneaux et avant cela arpenter les étals débordants du Rialto tout proche. En effet, la localisation impeccable de Casa Flora est une autre des facilités offertes et pas des moindres.
Au détour d’une ruelle déboulant sur l’incontournable Calle Larga XII Marzo, planquée au fond d’une cour arborée, ayant pour voisin la Casa Bortoli avec vue sur le Grand Canal de Paul Allen, cet appartement tient là un atout de taille à même de faire oublier la petitesse d’un salon, pour le coup pas vraiment dimensionné pour les groupes, ou la faiblesse d’un petit déjeuner inclus et très "dans son jus" préparé par l’Hôtel Flora voisin. Voilà pour les défauts ! Rome ne s’est pas faite en un jour me direz-vous, Venise non plus ! Il aura fallu attendre des décennies avant de voir pareil projet émerger et d’imaginer que des étudiants de la Parson School of Design de New York, de l’Académie Domus de Milan et de l’IUAV de Venise soient un jour invités à se pencher sur la conception d’un mode d’hébergement d’un nouveau genre dans la lagune, rendons donc déjà grâce à Gioele Romanelli d'avoir su enfin dire "oui" à la modernité.
Il reste maintenant à faire vivre et à entretenir, au propre comme au figuré, ce qui a été si joliment imaginé par ces jeunes garçons et filles, cette mixité aussi bien dans la destination des lieux que dans la confrontation d’éléments aussi colorés qu’identitaires d’une Italie repulpée à coups de jaune citron, de bleu lagon, de rose poudré ou de vert Véronèse. Les tissus précieux signés Rubelli ou les vases de Salviati se confrontent en effet au lino délavé des sols, au blanc immaculé des murs ponctués de tirages vintage en back & white ou d’impressions papier de mantras, cartes postales vintage simplement punaisées parmi lesquels on retrouve aussi épinglées ces fameuses palmacées colonisant jusqu’aux lavabos de salons de bains avec douche et hammam conçus comme de petites jungles très audacieuses et néanmoins pacifiques auxquelles il faudra prodiguer quelques soins pour rester à la pointe. Car bien évidemment Gioele a donné des idées à d’autres comme ce très élégant Palazzo Volpi ayant ouvert, en ces murs et en ce début d’année, plus au nord sur la lagune, quelques appartements tout équipés dans un genre certes différent.
Pour l’heure, Casa Flora reste un électron libre et fort agréable à vivre, aux nuits aussi recherchées que ses tarifs peuvent être élevés lorsque la Sérénissime vibre de ces événements dont elle seule a le secret. Il faut dire qu’une fois passé son hall qui ne la distingue pourtant en rien et que l’on a ouvert sa lourde porte d’entrée comme n’importe quel vénitien qui rentrerait chez lui, on se laisse facilement envahir par ce sentiment d’exclusivité qui caractérise ce plaisir d’habiter la ville et d’en avoir les clés. Il y a des petits plaisirs comme cela, comme celui de deviser au bar autour d’un spritz pendant la préparation du diner, de mater un film sur la TV signée des frères Bouroullec, de lire allongé sur le tapis au son d’une ritournelle même non vénitienne ou de se réveiller avec le carillon des églises voisines ou tout simplement à la lumière du jour pointant à travers les rideaux volontairement laissés entrouverts…. Benvenuti a Casa !
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir de 660€/nuit l'appartement de 3 chambres