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Au-delà des modes !

Comment être à la mode ? Voilà sans doute la question ultime que se posent encore nombre d’hôteliers croyant trouver là la martingale du succès, préférant empiler en vain des codes et des recettes sans esprit et sans autre espoir que celui de coller à la définition littérale que donnerait Le Larousse, à savoir de correspondre aux goûts et tendances de l’époque. Alors, quand l’hôtelier vient du milieu de la mode, autant dire que la question pourrait doublement se poser !

« Comment être à la mode ? Voilà sans doute la question ultime que se posent encore nombre d’hôteliers croyant trouver là la martingale du succès »

Sauf, si on a compris depuis toujours que pour être à la mode, il convenait sans doute de ne pas chercher à l’être, de prendre du recul et d’imposer son propre style. Si Thierry Gillier, fondateur du label Zadig & Voltaire, fait partie de ceux-là, la création de son hôtel qui nous occupe ici et que d’aucuns croient plus relié à un quelconque fait d’armes du nom euphonique de François-Marie Arouet qu’à la marque phare de ce dernier, a toutefois dû l’interroger. Ce n’est pas pour rien, qu’il s’est entouré dans sa démarche du duo Festen, chantres de l’immanence comme de la permanence, mais aussi de l’Atelier Frank Durand, à même de donner ce sens et cette cohérence qui font tant défaut chez d’autres.

« D’emblée, l’objectif a été clairement d’établir avec ce Château Voltaire (...) une référence et, que l’on me pardonne l’abus de la rime, une évidence. Avec lui, on touche à tout cela à la fois, ce qui en fait, ne le cachons pas, l’une des plus remarquables réussites de la capitale »

D’emblée, l’objectif a été clairement d’établir avec ce Château Voltaire, autrefois siège social de la marque, une référence et, que l’on me pardonne l’abus de la rime, une évidence. Avec lui, on touche à tout cela à la fois, ce qui en fait, ne le cachons pas, l’une des plus remarquables réussites de la capitale et l’un des incontournables d’un parcours qui irait du Marmont à LA au Chiltern de Londres en passant par le Sanders à Copenhague, entre autres. J’entends déjà certains crier au snobisme de pareil nom, critiquer le recours à l’emprunt parfois très appuyé, douter de la sincérité d’une démarche très étudiée et portée par autant d’acteurs pour aboutir à cette simplicité que je préfère appeler vérité et que les anglo-saxons englobent dans ce « sense of place » désormais si galvaudé. Qu’il est doux et reposant aussi bien pour l’œil que pour l’esprit tout entier, d’accueillir pareille réalisation, de ne pas avoir à se poser la question du pourquoi et du comment d’une matière ou d’une couleur, de ne pas avoir à supporter le délire mercantile d’un décorateur ou la mégalomanie d’un commanditaire qui confond encore luxe et élégance, superflu et harmonie.

« Dans ce château fantasmé (...) se déroule une vie à son image aussi tranquille qu’exclusive pour initiés et convertis à cette nouvelle approche de l’hôtellerie débarrassée de ces travers et de ses étoiles  »

Dans ce château fantasmé et pourtant bien modeste, symbole d’un Paris épargné par Haussmann à la croisée de l’avenue de l’Opéra, se déroule une vie à son image aussi tranquille qu’exclusive pour initiés et convertis à cette nouvelle approche de l’hôtellerie débarrassée de ces travers et de ses étoiles pour revenir à une forme d’hospitalité faite de bon sens et de traditions à laquelle la notion de confort n’est pas étrangère. Château Voltaire, c’est un esprit avant tout, celui d’une maison accueillante et chaleureuse où les cheminées rêvent à de vrais feux de bois, où les carafes d’eaux parfumées attendent les clients reçus au salon, où les soubrettes en uniformes d’un autre temps se faufilent dans les escaliers, où les majordomes portent encore le veston blanc, où les bouquets s’épanouissent avec grâce qu’ils soient d’une fraicheur exubérantes ou modestement  séchés et où la collection d’œuvres d’art du propriétaire tourne en fonction des humeurs. Ici, on ne prétend pas raconter une histoire, on la vit avec simplicité et justesse au fil des couloirs tapissés de moquette marine à ramages mordorés et éclairés d’appliques néo-moyenâgeuse à l’élégante rusticité, au détour d’une salle à manger aux accents Arts & Crafts où les assiettes anciennes s’exhibent aux cimaises carrelées de couleur craie, à la verticale de plafonds à caissons où se suspendent d’habiles lustres répliques de la coquille d’or en façade et enseigne de cette ancienne maison close, sur les banquettes feutrées d’un bar comme on en fait plus, dans le cadre presque désuet de ces 31 chambres et suites agrémentées de canapés à franges rose poudré, bleu canard ou vert absinthe, dans l’intimité de salles de bains à l’ancienne, comme dans le confort de lits superlatifs tendus de coton blanc jour Venise et bordés de couvertures mohair.

« Les Festen ont écrit avec Chateau Voltaire une nouvelle page de ce Paris qu’ils affectionnent tant, bourgeois et romantique, hors du temps et des modes. Un classique à savourer sans modération »

Les Festen ont, comme pour Les Roches Rouges entre autres, livrés le meilleur de leur style, dénué de tout effet, austère et nuancé convoquant bois, velours, zinc, pierre brute ou fer forgé de la cave au grenier, le sous-sol se réservant un bain à l’esprit romain (à privatiser) et le dernier étage s’octroyant un appartement comme un château dans le château avec salle à manger privée et terrasse plein ciel arborée par Louis Benech, pas moins. Avec le talent qu’on leur connaît, Hugo Sauzay et Charlotte de Tonnac ont écrit avec Château Voltaire une nouvelle page de ce Paris qu’ils affectionnent tant, bourgeois et romantique, hors du temps et des modes. Un classique à savourer sans modération.

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

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