Back from… Expérimental Chalet
Dans le mille !
D’expérimental, cela fait bien longtemps qu’il n’en est plus question avec ceux-là ! Les débuts sont loin pour Olivier, Romée et Pierre-Charles…. Les garçons, comme on les surnomme affectueusement n’en sont plus à leur coup d’essai. Pourtant c’est sous ce nom qu’ils ont choisi de baptiser leur dernier né ainsi que les prochains à venir respectivement à Venise et Minorque. Après l’ Henrietta à Londres, Le Grand Pigalle Hôtel et Les Grands Boulevards à Paris, voici donc l’Experimental Chalet de Verbier et avec lui sa petite révolution dans le domaine de l’hôtellerie à la neige car ici le luxe se veut cool et le lambris plutôt moulure.
Grâce à l’intervention de Fabrizio Casiraghi qui multiplie désormais les projets des iles grecques (on lui doit le très réussi Fetlia Club à Mykonos) à Lisbonne (il s’apprête à y ouvrir son second hôtel), cet Experimental-là ne fait pas vraiment dans la dentelle bien qu’il ne refuse pas l’anecdote. Convoqué dans l’urgence pour revamper, en 6 mois à peine, l’un des établissements mythiques de Verbier, plus connu pour abriter LA boite de nuit de la station que pour ses chambres, le milanais aux yeux de jais s’est pris au jeu du pastiche et du storytelling que n’aurait pas renié Dorothée Meilichzon, habituellement en charge des décors du groupe mais déjà fort occupée par les prochaines ouvertures à venir.
On retrouve ici la même appétence pour un style vintage avec cette légère touche de grandiloquence que l’on avait déjà aimée aux Grands Boulevards dans une forme autrement plus féminine. Si Marie-Antoinette en son hameau avait alors donné le ton dans la capitale, dans la station valaisanne, il serait plutôt question d’Heidi partie à la rencontre du réalisateur du Grand Budapest Hotel. Wes Anderson est une source avouée d’inspiration pour le talentueux architecte amateur d'histoire.
Le « pistachio » qu’il a tendu sur les murs a bien plus à voir avec le vert si cher à Muccia Prada que celui décliné à tout va chez Ladurée. Il ne manque pas d’audace pour marier le velours rouge cramoisi, la moquette passée et piquée de fleurs d’Edelweiss, les bois de cerf en lustre, l’herbier patiemment découpé et hissé aux cimaises ou les chaises Art Nouveau avec des lampes Bauhaus ou des Superleggera de Gio Ponti sur fond blanc meringué. Avec lui, les références sont légion et les contrastes nombreux.
Son élégance voire son austérité aiment à se teinter d’exotisme pour ne pas dire d’étrangeté aptes à séduire, parfois à la limite du kitsch comme cette iconique figurine de chamois posé avec systématisme sur les têtes de lit en velours ras et à la couleur d’alpage comme si elle venait de s’échapper de ces posters accrochés là en surplomb et que l’on pensait autrefois réservés aux calendriers postaux ou à l’ornementation de boites de chocolats à la belle saison. Avec leur salle de bains en cabochons très années 40, leurs peignoirs aux skis brodés et serviettes assorties en fil rouge, ses chambres ont un charme sûr que d’incorrigibles télévisions accrochées aux murs ne sauraient altérer.
Le rez-de-chaussée avec sa cheminée centrale et ses salons tout en jeux de miroirs et de perspectives fonctionnent également à merveille. Même le bar, plus strict, situé au premier étage et bordant la terrasse s’apprêtant à être ouverte aux premiers beaux jours ne démérite pas. Il faut dire que la fête y bat déjà son plein à l’heure de l’apéritif et jusque tard dans la soirée, la foule des illustres inconnus et des têtes connues venues incognito s’étant déjà donné rendez-vous autour des créations ou des grands classiques du chef barman forcément excellent, Experimental oblige. Son St Germain y est d’anthologie. Si le bar fait évidemment partie des "highlights" de l’hôtel, à même de faire oublier la concurrence du W qui jusqu’à alors régnait en maitre sur la destination, la mythique boite de nuit sise au rez-de-chaussée qui faisait partie de la dot au rachat de l’hôtel tient elle-aussi ses promesses. Les habitués, trop contents de savoir que rien n’a changé dans cette Farm se pressent là encore tous les soirs poursuivant les joies de l’après-ski jusqu’aux premières lueurs du jour. Personnellement, on aurait aimé y voir s’exprimer la fraicheur d’un nouveau talent comme celui de Fabrizio Casiraghi mais seul le micro-spa (Biologique Recherche s'il vous plait) lui aussi inchangé à ce jour, devrait être promis à une nouvelle vie lors de la prochaine saison.
Montrons-nous déjà heureux de pouvoir disposer d’un pareil produit quelques mois après sa reprise. Tant pis si nous ne sommes pas les premiers fans de cette localisation en bordure de route ou de ce rouge signature et foncièrement suisse qui s’exprime des volets aux navettes de l’hôtel. Les premiers pavoisant à l’image du drapeau national, les derniers sillonnant la ville n’auront échappé à personne. Le chalet qui est aux avants postes de Verbier est devenu en à peine quelques semaines son porte-étendard, le meilleur ambassadeur de cet art de vivre qui s’étend sur quatre Vallées entre élégance sportive et ambiance festive.
Pas la peine de chercher les soubrettes en tablier ou à coiffe à l’Experimental Chalet. Ici, Julia en tête, responsable du F&B pour le groupe, explose les codes du service avec charme et assurance en baskets et tatoos. À son image, l’équipe emmenée par Cyril, que l’on a déjà croisée en partie à L’ Experimental Beach d’Ibiza, avance sourire aux lèvres et jeunesse en bandoulière, très à l’aise en Fusalp, leur fournisseur officiel. Nous ne sommes pas à Courchevel ou à Gstaad pour autant, le ski room n’a pas des allures de bonbonnières surannées ou de boutiques dernier cri, il va à l’image de la station, « straight to the point ». Aucune vitrine rutilante n’est à déplorer non plus dans les couloirs où de simples couronnes d’étoupes rappellent la magie de l’hiver. L’on peut faire simple et ne pas bouder une certaine forme de sophistication, préférer de vraies clés de chambres ornées de pompons de cuir en lieu de cartes magnétiques par exemple mais surtout l’on a le droit de convoquer au royaume du Roesti et de la raclette l’un des chefs les plus talentueux de sa génération et enfin récompensé cette année d’une étoile qu’on n’attendait plus. Greg Marchand, de la galaxie Frenchie, a pris en mains la carte de ce relais du bon goût avec ses désormais classiques essaimés entre Londres et Paris et obligeamment revisités ici à la sauce locale et saisonnière par un colosse espagnol aux airs de matador dont on adore le goûter fait de scones et de brownies d’anthologie.
Bref, vous l’aurez compris, cet Experimental Chalet que l’on gagne par l’inoubliable Léman jusqu’à Lausanne au prix d’un trajet en Lyria, désormais en trois classes, et bientôt à destination finale du Chable a tout pour taper dans le mille, à commencer par son tarif d’ouverture (195€ avec formidable petit déjeuner inclus) qui le ferait volontiers basculer dans la catégorie des « cheap & chic » n’en déplaise aux familles royales d’Angleterre, de Belgique ou du Danemark, grandes habituées de la station.À chaque nouvelle aventure de l’Experimental Group, les lignes bougent un peu plus sans jamais franchir la ligne rouge.
Mots & images : Patrick Locqueneux
À partir d’env. 230€/nuit
surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 50€ hotel credit • petit déjeuner • accueil personnalisé