Back from… Fife Arms
God save Fife Arms !
A l’heure où nous célébrons le jubilé de la Reine, il est bon de se rappeler l’Angleterre et tout ce qui en fait son unicité à commencer par ce savant mélange de tradition et d’irrévérence. Qui pourrait croire qu’au fin fond des Highlands à près de 2 heures d’Edimbourg, derrière une austère façade de pierre se cache peut-être l’un des hôtels les plus typiques et iconoclastes du pays et assurément l’un des plus enthousiasmants.
Mais avant d’en pousser la porte, il convient de parler de cette région fascinante et dépaysante à plus d’un titre, dont la simple évocation convoque à elle seule un univers tout entier. Entre contes et légendes de Highlander à Poudlard, entre lacs peuplés de monstres fantomatiques, landes ponctuées de troupeaux de moutons et bois giboyeux, entre fougères, genêts et bruyères odorantes, entre shetlands enveloppants et tartans assortis, entre thés fumants et whiskies revigorants, l’Ecosse ne ménage pas ses charmes. Emprunter ses routes suffit à percevoir sa beauté grave comme son infinie diversité. Elle dégage un parfum exaltant, celui d’une belle rusticité que l’on pensait oubliée.
La Reine, sa mère avant elle et bien sûr son ancêtre Victoria ne s’y sont pas trompées. Elles ont tour à tour fait de cette patrie dans la patrie la leur et très précisément ici dans ce Royal Deeside, entre Braemar et Balmoral, seule et unique résidence privée d’une famille royale restée attachée aux traditions et à une certaine simplicité. Ainsi lorsque les pique niques sont organisés par l’hôtel et guidés par l’inénarrable Simon Blackett aka Yellow Welly, c’est assez naturellement qu’ils prennent place là où précisément la famille royale aime elle aussi à se repaitre de ces paysages ; des cartes postales qui ne sont pas sans rappeler ceux d’un Bhoutan éloigné, autre pays où nature et bonheur vont de concert. Quelques peaux de moutons et tartans jetés suffisent à y transformer la plus modeste des fermes en une énième image à nulle autre pareil. Braemar comme toute la région des Cairngorms regorgent de ces visions bucoliques et vivifiantes dont il est difficile de se défaire.
Victoria et son inséparable Bertie, au même titre que les nombreux artistes les ayant précédés et ayant trouvé ici mille sources d’inspirations de Stevenson à Byron pour ne citer qu’eux, ne purent pas plus y renoncer. C’est ainsi qu’ils décidèrent après un premier séjour d’acquérir Balmoral auprès du comte de Fife. Très vite, il fallut donner à la nouvelle destination qui venait de se lancer de quoi héberger les invités du couple royal. Ainsi naquit Fife Arms, bâtiment classé et restauré dans les règles de l’art avec un twist contemporain inattendu par ses nouveaux propriétaires Ivan Wirth & Manuela Hauser. Pas plus que les époux royaux avant eux, le célèbre couple de marchands aux galeries éponymes de par le monde ne sut résister aux charmes de la région. Après avoir établi ici l’une de ses nombreuses villégiatures, il se décida à racheter cette résidence tombée en déshérence pour en faire l’hôtel qui nous amène aujourd’hui, sorte de conservatoire des arts et traditions populaires mais aussi vitrine d’un style qui n’appartient qu’à eux et que l’on pouvait déjà appréhender avec leur iconoclaste Dursdale Farmhouse, pierre angulaire de Hauser & Wirth Somerset.
Conservateurs par essence mais avant tout explorateurs dans l’âme, les galeristes se devaient de marquer les lieux de leur empreinte. Aussi, les bas de la Reine Victoria, parmi mille autres souvenirs épinglés aux murs de la Suite lui rendant hommage, ont trouvé un écho surprenant avec un chandelier de Subodh Gupta par ci, un portrait de Lucian Freud par là. Fife Arms est ainsi devenu un hôtel-musée-galerie aux frontières perméables et à l’intelligence redoutable, riche de mille trésors de l’époque victorienne et de l’histoire écossaise (plus de 16.000) mais aussi de centaines de pièces contemporaines venues dialoguer avec elles.
Au-delà de cette mise en scène imaginée avec la complicité du décorateur Russell Sage, Fife Arms se veut avant tout une ode à la nature et à la poésie de cette région si inspirante, dont le seul tartan spécialement créé pour la Maison pourrait résumer la diversité et l’harmonie. Chacune de ses chambres avec son propre story-telling, leurs clés conservées dans de faux ouvrages en réception, ses têtes de lits en bois gravées de vers célèbres, ses petits recueils de poèmes et ses piles de livres anciens, ses massacres éthiquement sourcés ou ceux faits de rameaux graciles témoignent eux aussi de ce goût pour le narratif, la liberté de l’accumulation voire de la transgression propre à toute œuvre littéraire mais plus largement à toute démarche artistique.
Impossible d’absorber tout le foisonnement de Fife Arms d’un seul coup. Il convient de prendre le temps d’en savourer chaque recoin et chaque instant, à l’instar de ces “fish & chips” d’anthologie servis au si typique Flying Stack, épicentre de la communauté locale, ou de ces innombrables whiskies tapissant les murs du Bertie’s, le bar aux allures de crypte à l’opposé du Elsa, baptisé en l’honneur de Schiaparelli et dont les dessous de verre surréalistes en forme de pince de homard nous rappellent que la mer n’est pas loin. Au même titre que le gibier, elle trouve tout naturellement sa place à la carte de l’impressionnante Clunie Dining Room tapissée de l’oeuvre kaléidoscopique de Guillermo Kuitca sur laquelle se superposent aussi bien un élan naturalisé qu’une époustouflante scène de genre de l’entourage Breughel Le Jeune. Un télescopage que l’on retrouve à la boutique de souvenirs aussi charmante qu’impressionnante dans sa capacité à aligner objets de qualité et bibelots créatifs.
Il y a tellement à voir et à faire à Fife Arms en comptant le micro spa Albamhor au fond du jardin dessiné par Jinny Bloom, à qui l’on doit d’ailleurs ceux du Prince Charles, qu’il vaut mieux prévoir son séjour un peu large. Surtout si on veut en explorer les environs avec cette nature hors norme à portée de main ou plutôt de botte. Les ciels sont ici si clairs que s’y glissent vols d’oiseaux, pluies d’étoiles et aurores boréales en saison, les bois, prairies, vallons et montagnes si accueillants qu’y détalent lapins et écureuils d’un côté tandis que daims et cerfs y surgissent de l’autre, que faisans et perdrix y déambulent comme si rien ne pouvait venir perturber leurs courses, les rivières si pures qu’y frayent les plus beaux saumons et truites du monde. Que l’on parte à sa découverte en compagnie de l’incomparable guide local Simon Blackett, de la spécialiste maison de la flore, Natasha Lloyd ou de Ben Carter, l’as de la pêche en eaux claires, séjourner à Fife Arms revient à se payer une tranche d’Ecosse et la meilleure de celle-ci.
Mots & images : Patrick Locqueneux
À partir d’env. 450€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • petit déjeuner • 100 USD credit • accueil personnalisé