Back from… Hotel Costes

Iconique !

Souvent la question est posée, comme une gageure, de savoir quel hôtel à Paris pourrait se hisser au rang du meilleur de la place. Que répondre à cela ? De quelle supériorité parlons nous ? Que mesurer ou privilégier ? La beauté, l’exclusivité, la modernité ou la somptuosité des lieux sont elles les seules à pouvoir être considérées ? La quantité d’équipements doit elle primer sur la qualité du service ? Quid de la localisation surtout dans une ville comme Paris ? Nous le savons bel et bien aucun hôtel ne saurait se résumer à une partie de son tout : décor, service, chambre, restauration, équipements, prestations et localisation, à défaut d’aller de pair, se doivent de répondre à la même ambition, faite de justesse et de cohérence et former cette complétude que seule il conviendra de prendre en compte.

« quel hôtel à Paris pourrait se hisser au rang du meilleur de la place ? l’Hotel Costes pourrait bien s’enorgueillir aujourd’hui de pareil titre »

À l’aune de ce constat, l’Hotel Costes pourrait bien s’enorgueillir aujourd’hui de pareil titre, n’en déplaise à plus d’un. Certes, son nouvel espace de bien être n’a encore pas vu le jour et bien malin celui qui pourrait en donner la date d’ouverture, mais force est de constater que le Costes, tel qu’il vient d’être agrandi et repensé, coche toutes les cases ou presque, non pas de l’excellence, mais de cette fameuse cohérence qui place le lieu au plus haut degré de la désidérabilité après trente ans d’un succès aussi détesté que révéré, mais indéniable.

« Le Costes (...) agrandi et repensé, coche toutes les cases (...) de cette fameuse cohérence qui place le lieu au plus haut degré de la désidérabilité après trente ans d’un succès aussi détesté que révéré, mais indéniable. »

L’une des plus grandes réussites de Jean-Louis Costes, propriétaire et concepteur des lieux en 1995 (autrefois épaulé par son frère Gilbert) fut de placer l’hôtel comme le restaurant, tous deux labellisés à son nom, au rang de lieu de vie et non simplement de séjour, ouvert sur l’extérieur aux visiteurs et non pas réservé à ses seuls occupants, assurant aux uns comme aux autres le privilège, car il s’agissait bien de cela à l’époque et il en est toujours question aujourd’hui, de voir autant que d’être vu. Pareil tour de force était ou reste-il encore critiquable à l’heure du jugement plus que jamais hâtif de ceux qui, faute de ne pas en être ou de ne pas vouloir en être, s’empressent à manier le couperet ? Pourquoi le serait ce quand chacune des parties se veut consentante. L’ on pourra toujours gloser sur la sélection drastique à l’entrée du restaurant, la difficulté des réservations, la supposée morgue ou l’insoutenable légèreté d’un service aux codes de féminité comme de masculinité en leur temps exacerbés. Mais le résultat est là, la clientèle la plus controversée comme la plus enviable, le monde des médias, de la politique et des affaires mais surtout de la mode s’y presse depuis trois décennies, de jour comme de nuit, avec la même allégresse, priant tous les saints de pouvoir s’asseoir en cheminée ou en terrasse, les deux bastions de ce restaurant mythique et indissociable de l’hotel dont il occupe toujours le rez-de-chaussée.

« la clientèle la plus détestable comme la plus enviable, le monde des médias, de la politique et des affaires mais surtout de la mode s’y presse depuis trois décennies, de jour comme de nuit, avec la même allégresse »

Mais là n’était pas la seule force de son concept qui allait bousculer les codes d’une hôtellerie comme d‘une restauration jusque-là moribondes et habituées à l’épure. En offrant tout d’abord, l’un et l’autre, au talent encore naissant et maximaliste d’un Jacques Garcia très inspiré et féru de ce rouge couleur baiser, Jean-Louis Costes allait propulser le lieu sur toutes les lèvres comme il le fit une première fois en ouvrant le Café Costes avec le jeune prodige du design d’alors Philippe Starck dix ans auparavant. En convoquant lors de l’extension des lieux Christian Liaigre, dont ce fut le dernier projet, il impose à nouveau le décor dans ce qu’il a de meilleur, diablement sophistiqué et réfléchi, intensément théâtral, aussi inoubliable qu’indémodable. En empilant les styles, en multipliant les références au goût français de Louis XIV à Napoléon III, en faisant dialoguer avec une certaine insolence vraie modernité et faux classicisme dans une même symphonie de couleurs, il affirme ce style unique à l’instar des compilations maison qui non contentes de se jouer en continu dans les couloirs, les chambres et tous les espaces de l’hôtel-restaurant ont placé l”easy listening” sur orbite, cette musique que Satie qualifiait de “musique d’ameublement apte à créer de la vibration, à remplir le même rôle que la lumière, la chaleur et le confort sous toutes ses formes” et que tous de par le monde ont tenté d’appréhender avec plus ou moins de succès.

« En convoquant Christian Liaigre (...) Jean-Louis Costes impose à nouveau le décor dans ce qu’il a de meilleur, diablement sophistiqué et réfléchi, intensément théâtral, aussi inoubliable qu’indémodable »

Si la musique façonne l’atmosphère inimitable des lieux, feutrée et joyeuse à la fois, la lumière y joue un rôle tout aussi primordial. L’éclairage indirect à renfort de cierges, changés à chaque service, ajoute à l’ambiance une touche romanesque et mystique aussi séduisante que mystérieuse. Le Costes se veut comme une sorte de tabernacle en dehors de la fureur du monde dont les officiants insufflent le désir plus que l’abstinence et dont l’’entêtant parfum imaginé par le nez Olivia Giacobetti résume à lui seul l’esprit. Ses effluves de bois ciré et de tabac blond, reconnaissables entre mille, débordent à tous les étages au même titre que les roses qui éclosent chaque jour dans d’imposants bouquets aux formes régulières et dont Dani en présida longtemps l’ordonnancement. L’ on pourrait parler longtemps encore du restaurant, des assises basses favorisant la conversation, des menus aussi insolents qu’essentiels, des nappages en lin amidonné comme des aubes de communiants, des plats autant décriés que copiés de par le monde, etc. Le Costes est à l’hôtellerie-restauration ce que Chanel est à la mode, un classique maintes fois copié mais jamais égalé, un mélange d’élégance et d’irrévérence, un pied de nez devenu un succès.

« Le Costes est à l’hôtellerie-restauration ce que Chanel est à la mode, un classique maintes fois copié mais jamais égalé, un mélange d’élégance et d’irrévérence, un pied de nez devenu un succès. »

Bien que les premières chambres de l’hôtel signées Jacques Garcia aient été mille fois déclinées, par ce dernier lui-même, en autant d’autres lieux, même si chacun s’est essayé à créer, ici des compilations, là des signatures olfactives, à manier l'exclusivité comme le décor, le Costes n’a jamais trouvé son égal à Paris ou ailleurs. Avec l’ajout d’un nouveau bâtiment, autrefois Hotel Loti, dans un savant mélange d’éléments historiques et de saillies contemporaines orchestré par Studio Liaigre, le Costes s’est offert encore une longueur d’avance.

« Désormais fort de 99 chambres et suites, l’hotel le plus exclusif et le plus secret de Paris se donne plus que jamais des airs de palace »

Désormais fort de 99 chambres et suites avec des vues sur son célèbre patio où le temps semble s’être arrêté, l’incontournable rue St Honoré, artère de la mode par excellence, mais aussi la Tour Eiffel ou la place Vendôme, l’hotel le plus exclusif et le plus secret de Paris se donne plus que jamais des airs de palace. Pourtant aucune enseigne rutilante à son fronton, tout juste quelques exemplaires de son magazine gratuit désormais baptisé Palace Scope à disposition, pour toujours plus d’irrévérence. Dans la nouvelle aile qui ne comporte que des suites, dont certaines conçues comme de fabuleux appartements dotés de salons de bains ou de sports d‘un nouveau genre, flottent plus que jamais ce parfum d’exception et cet esprit infiniment parisien.

« Aussi discret que flamboyant, autant adulé qu’incompris, le Costes demeure impavide au sommet telle une icône ! »

Les lourds rideaux de velours cramoisi ont cédé la place à des voilages immaculés, les panneaux de laque noire à des bois précieux poli miroir, les murs tapissés à des paravents japonais, les lits à la polonaise à des baldaquins géométriques pour un luxe redéfini. Le rouge, symbole de la maison, est passé en mode mineur comme un contrepoint à même de révéler la pureté des lignes et des espaces considérablement agrandis et désormais lumineux pour ne former non pas deux mais un seul Costes, à l’allure toujours aussi folle et unique en son genre, à l’image de la sculpture dorée du Canadien David Altmejd, un homme mi-totem mi-ange dont l’aile s’est transformée en oreille, marchant sur les toits et visible uniquement des résidents, baptisée Le Secret. Aussi discret que flamboyant, autant adulé qu’incompris, le Costes demeure impavide au sommet, telle une icône !

Mots & images : Patrick Locqueneux

design-boutique

À partir de 800€/nuit Saint-Honoré
& 1800€/nuit Castiglione

Accueil personnalisé

 
Précédent
Précédent

Back from… Henrietta Hotel

Suivant
Suivant

Back from… Baccarat New York