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Le choix de la singularité !

Ce n’est pas une vue de l’esprit, certaines destinations influencées par leurs clientèles finissent par modeler à l’image de ces dernières les lieux qu’elles abritent comme par effet d’imprégnation pour ne pas dire de contamination. On ne reviendra pas sur les politiques touristiques ou au contraire l’absence d’accompagnement comme facteur essentiel de pareille propagation, ni sur les autres raisons qui ne laissent pas de place à l’environnent pour s’exprimer et s’imposer dans encore un trop grand nombre de réalisations. La compréhension de l’extérieur, de la culture ou du patrimoine environnant, le refus de la facilité comme de l’opportunisme, ce fameux « sense of place » ne se partage malheureusement pas avec le plus grand nombre. Comme pour tout mal, d’aucuns se retrouvent contaminés quand d’autres résistent. Le Mélézin fait partie des seconds.

Si Courchevel a résolument pris l’option d’un luxe ostentatoire et s’est lancée depuis quelques années déjà, dans une course effrénée à la surenchère, entrainant dans son sillage une grande part de son hôtellerie, cet Aman, le seul français de la collection, a fait à double titre le choix de la singularité. Car derrière son petit nom, Le Mélézin, c’est bien cet océan verdoyant de mélèzes, bordant les pistes de Bellecôte et dévalant jusqu’aux rivages blancs du village de Courchevel 1850, que l’on retrouve et que l’on admire de ses balcons. Aman Le Mélézin ne s’y pose pas en rupture mais bien comme un continuum. À l’image de ces conifères, ses hauts murs flanqués de souveraines tourelles que l’on croirait crénelées ont la même robustesse et rusticité.

« Si Courchevel a résolument pris l’option d’un luxe ostentatoire (...) cet Aman, le seul français de la collection, a fait à double titre le choix de la singularité »

Tutoyant leurs cimes, sa hiératique silhouette s’impose depuis 25 ans maintenant comme le dernier bastion, le fief d’un contre-courant hôtelier qui comme toujours avec Aman prend sa source dans le respect et la compréhension du dehors. Le meilleur exemple en sera, sans doute, l’ouverture prochaine d’Amangyangyun aux abords de Shanghai mais pour l’heure, la parole n’est pas à ces camphriers millénaires mais bien à ces augustes rois des forêts dont la sève, le feuillage fragile et les nœuds du bois tapissent à l’envi les intérieurs de ce home bien singulier. Ici, on n'y convoque aucun fantasme et on n’y raconte d’autre histoire que celle d’une montagne universelle qui aurait toutefois montré quelque penchant pour l’Asie, berceau du groupe. Plus que du château de conte de fées ou du chalet savoyard traditionnel, Aman Le Mélézin tiendrait plutôt de la lamaserie ou du siège d’un quelconque pouvoir spirituel et dissident. Ces toits de style pagode surmontés de clochetons, ces épais balcons de bois y sont déjà pour beaucoup mais à y regarder de plus près, les quelques 31 chambres et suites aux proportions et catégories pourtant si variées ont toutes quelque chose de l’ordre du refuge ou de la cellule monastique.

« Ici, on n’y convoque aucun fantasme et on n’y raconte d’autre histoire que celle d’une montagne universelle »

En effet, Ed Tuttle, leur architecte, n’est pas connu pour être un chantre de l’ornement décoratif. Cette réalisation qui n’est pas sans rappeler aux Amanjunkies le légendaire Amanpuri, le premier opus de la marque, ou le Sukhothai de Bangkok, autre réalisation de l’architecte star du groupe et auteur de pas moins de 8 de ses réalisations à ce jour, n’a pas échappé à la règle. Et ce n’est pas sa récente rénovation, l’année dernière, qui en aura gommé la rigueur ou altéré la patine. En cette nouvelle saison, Aman Le Mélézin a renait presque identique à lui-même, un peu trop parfois, oubliant dans certains détails que le monde avait changé entre temps. Même débarrassé de quelques lourdeurs, d’imprimés litigieux, enrichi de quelques concessions faites à la modernité comme l’ajout de télévisions dans des proportions dont on aurait pu se passer ou de connectiques de dernière génération dont, pour le coup, on ne saurait se défaire, il n’a pas encore tourné complètement le dos à quelques survivances d’un passé moins heureux. Espérons que cela se fasse dans la continuité de ce projet qui parviendra à son terme l’année prochaine avec la rénovation complète des sous-sols comme du spa qu’ils abritent. Heureusement, et pour l’heure, les parquets historiques du siècle dernier provenant des châteaux de Savoie, le mobilier qu’on dirait d’époque en bois tourné garni de velours de soie ou clouté de cuir continuent de former un écrin aussi confortable que chaleureux. Car la vraie force de cet Aman Le Mélézin tient bien dans cette capacité à savoir réconforter, pas seulement à l’heure du goûter, au moment de savourer un cigare issu de la propriété sœur d’Amanera ou de déguster un génépi servi par l’aimable Jean-Roch ou l’un de ses acolytes. Tim Weiland, son General manager, rodé aux subtilités du service sur le continent asiatique et l’attachante Alexandra Vesin qui veille sur les lieux depuis presque toujours, forment à eux deux un couple de fortune et sans prix. Avec Henri, l’infatigable concierge aux Clés d’Or et tous les membres de cette maisonnée, ils s’emploient à faire d’Aman Le Mélezin une retraite pour « repeaters » qui ont ici leurs habitudes et n’hésitent pas à s’y installer pour plusieurs semaines. Il est ainsi bien difficile de trouver dans cette saison trop courte, d’à peine 4 mois, quelque disponibilité au calendrier.

« la vraie force de cet Aman Le Mélézin tient bien dans cette capacité à savoir réconforter »

Pourtant, en y regardant bien, on trouvera toujours bien encore de la place notamment à la fin de ce mois pour faire l’expérience de ce Courchevel en mode off et plutôt sage puisque pour 1.055€/nuit, on pourra loger certes dans une chambre junior sans balcon d’un peu plus de 20m2 mais profiter d’une demi-pension bienvenue qui ne se limite pas au seul restaurant de l’hôtel mais à une sélection d’adresses dans la station. Une formule aussi heureuse qu’aisée pour ceux qui se lasseraient de n’avoir à leur disposition qu’un seul restaurant dont la carte s’ouvre pourtant à toutes les influences. Car, ne nous leurrons pas, il y a bien, ici comme ailleurs, du caviar, du bœuf Wagyu ou de la truffe à discrétion et en complément de recettes traditionnelles à la différence près qu’il n’y aura jamais ici de course aux étoiles ou de velléités à multiplier les concepts de restaurants, faute de place et d’envie aussi car, qui dit maison, dit la possibilité de prendre ses repas au salon et au coin du feu, confortablement lovés dans ces canapés de velours vert mousse entre deux parties d’échecs. Dans le même esprit, on ne trouvera à Aman Le Mélézin pas plus de Kid’s club que de discothèque ou d’animation quelconque. Quand d’autres cherchent à réjouir, Aman Le Mélézin se contente d’émouvoir. Et c’est vrai que regarder slalomer les skieurs en contrebas ou tomber la neige confortablement installé sur sa méridienne ouverte sur le balcon, dans les bulles de son jacuzzi de bois en terrasse - une nouveauté cette année - ou dans celles de sa baignoire avec vue sur les cimes, parmi les coussins de son salon-alcôve en surplomb des pistes, ou attablé derrière les immenses baies vitrées en rez-de-chaussée de ces salons en enfilades et en clair-obscur agrémentés d’orchidées et ponctués des sculptures de bronze miniatures et pleine d’allant de Roseline Granet a de quoi attendrir. On pourrait continuer ainsi la litanie de ces petits moments de bonheur et d’intimité qui se prolongent aux beaux jours jusque sur la terrasse réchauffée de braséros ou de plaids à carreaux retrouvés dans les navettes de l’hôtel et qui n’ont rien à envier aux pashminas rapportés des propriétés indiennes ornant les cimaises boisées de ce spa « amanesque » pour ne pas dire romanesque.

« On s’en va parfois chercher loin ce que nous possédons déjà (...)retrouver chez d’autres ce sentiment rare de se sentir finalement aussi bien que chez soi »

Même si cet Aman-là est peut-être le moins Aman de tous les Aman, il nous mène pourtant toujours à cette même conclusion que nous sommes arrivés, pour paraphraser Le Clézio, au bout du voyage, que c’est ici et nulle part ailleurs. Et s’il collectionne sur ses tables d’innombrables pots d’inspirations plus ou moins lointaines mais toujours sans couvercle, il a, quant à lui, indéniablement trouvé le sien avec une clientèle à la recherche d’autre chose. On s’en va parfois chercher loin ce que nous possédons déjà, se rassurer plus que se dépayser, alors que nous sommes aussi heureux de retrouver chez d’autres ce sentiment rare de se sentir finalement aussi bien que chez soi.

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

resort
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À partir de 1.055€/nuit • Demi-pension

Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 100$ spa credit • petit déjeuner • accueil personnalisé

 
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