Back from… Casa Bonay

Let's have some fun, version catalane !

Voici le mantra de cette Casa Bonay ! Une promesse à laquelle on ne s’attend pas, une fois passé ce porche et cette lourde porte de bois ouverte à double battant sur ce qui n’était encore qu’il y a peu l’un de ces innombrables immeubles de rapport et sans charme apparent bordant de part et d’autre la Gran Via de Les Corts Catalanes, non loin du très élégant Cotton House, monté quelques mois avant lui. C’est pour mieux tromper l’ennemi, me direz-vous ? Assurément, car ce qui se joue à l’intérieur tient vraiment de la fantaisie.

Si Casa Bonay a été, avec son illustre voisin et avant l’ouverture de la Soho House Barcelone, l’une des figures de proue du renouveau de l’hôtellerie barcelonaise, le énième du genre, la capitale catalane ne craignant pas de se réinventer sans cesse en multipliant les concepts et les adresses au même titre que ses restaurants, ce n’est évidemment pas sans raison. Dans cette catégorie du « cheap & chic » toujours prêt à fleurir de par le monde et pour notre plus grand plaisir, la Casa Bonay n’est pas restée longtemps esseulée, d’autres lui ont vite emboité le pas et se sont posés en outsiders sans parvenir à ce mélange aussi simple qu’iconoclaste qui me rappelle par certains côtés le Downtown Mexico de Grupo Habita ou les chambres un brin sévères bien que foncièrement régressives d’un des Ace Hotels pour lesquels la créatrice des lieux a autrefois travaillé. Il n’est pas donné à tout le monde de réussir le pari de réunir en un seul lieu une communauté d’esprits et de gouts car la vraie novation qui fut aussi expérimentée à Paris avec Le Pigalle de Valéry Grégo des Hotels d’en Haut a été de faire de cet hôtel une sorte de havre communautaire, où les talents émergents du quartier comme de la ville allaient pourvoir s’exprimer en investissant pour tout ou partie des lieux.

Pour cela, Ines Miro Sans et Luis Mullans, co-fondateurs des lieux, sont allés taper à quelques portes comme à celle des designers de mode baTabasTa, Clara Arnús et Leti Cano, pour habiller une équipe à l’image des lieux, vraiment rafraichissante, mais aussi pour réaliser quelques imprimés déjantés et très 50’s que l’on retrouve aussi bien sur les coussins jetés sur les canapés, signés comme tout le mobilier d’une extrême simplicité par Marc Morro de chez AOO, que sur les chemises en vente dans la micro boutique du rez-de-chaussée. Les lianes géantes, les singes espiègles, les Adam et Eve pourchassés ou les régimes de bananes repérés au détour des uns ou des autres ne colonisent pas encore le jardin-rooftop d’Alejandra Coll d’Asilvestrada en charge également de la décoration florale minimale mais donnent déjà à l’ensemble un goût de paradis ou du tout du moins de fruit défendu.

« À Casa Bonay, cela fuse dans tous les sens et pour tous les sens »

L’analogie ne paraît pas si audacieuse quand on songe à l’étrangement nommé Satan’s Coffee Corner de Marcos Bartolomé convoqué ici pour tenir la cafetière, au Mother de Gemma Ponsa Salvador et Lily Figel, pionnières des bars à jus pressés à froid et préposées ici à la centrifugeuse ou à Estanislao Carenzoen, aux commandes du bar Libertine’s comme des fourneaux du restaurant non moins curieux Elephant Crocodile Monkey, mixant tapas argentins et cuisine kaiseki japonaise et cédant sa place le jour à un pop-up vietnamien baptisé Tet. Le panneau à l'accueil met déjà en alerte, ici c'est food, fine drinksgood Music avant tout ! À Casa Bonay, cela fuse dans tous les sens et pour tous les sens et il faut bien toute la rigueur de gens comme Max Rippon et Ausias Perez, auteurs des lettres peintes à la main sur les portes des chambres et des couloirs, ou du Studio Tack de Brooklyn que l’on ne présente plus, créateurs de The Brentwood ou du Scribner’s lodge, autres hotspots à vous avoir été dévoilés récemment, en charge de la conservation des éléments d’époque et de leur remise au goût du jour pour donner une structure et une identité à l’ensemble suffisamment forte pour ne pas être oubliée.

Croyez-moi, cette Casa Bonay là, à l’image de son Japanese Muesli fait de pate miso, glace vanille et fruits bio, highlight de ce qui restera peut-être l’un des meilleurs petits déjeuners qui soient, n’est vraiment pas prête de se laisser emporter par la mémoire ou la routine. Il s’y passe toujours quelque chose de nouveau ou de surprenant comme ces parois coulissantes qui sur des mètres linéaires découvrent chaque matin, une luxueuse cuisine d’appartement où sont préparés à la commande ces formidables petits déjeuners délicieusement healthy. Casa Bonay fait une fois de plus mentir les partisans d’une hôtellerie standardisée et engoncée dans cette soi-disant obligation de satisfaire le plus grand nombre au mépris de la raison et de l’évolution du monde. Des entrepreneurs comme Ines et Luis, Ana de chez Las Lias qui fournit les produits d’accueil biologiques à la lavande ou même l’équipe du modeste et ultra pointu libraire BlackieBooks à avoir investi l’ancienne loge du rez-de-chaussée sont essentiels à cette avancée. À eux tous, ils sont les Picasso d’aujourd’hui, frondeurs et décomplexés, créateurs d’un style inimitable, presque cubiste et aux accents surréalistes dont ils s’excuseraient presque. Il n’y a dans leur démarche ni démonstration, ni posture, ni précepte.

« À eux tous, ils sont les Picasso d’aujourd’hui, frondeurs et décomplexés, créateurs d’un style inimitable, presque cubiste et aux accents surréalistes dont ils s’excuseraient presque »

À l’image du seul tableau ornant les cimaises vert bouteille du bar-lounge où se presse toute la jeunesse en ville, signé de la néo-fauviste Blanca Mirò Skoudy, Casa Bonay se vit avec légèreté ou spontanéité, de celle qui pousse à se précipiter sur le toit, à étendre sa serviette sur une chilienne improvisée, à décapsuler une Estrella sur l’une des tables de bois pliantes et laquées de rouge sang de ce Chiringuito accueillant aux beaux jours les asaditos des copains chefs venus en voisin ou de l’autre bout du monde, à marcher pieds nus sur les carrelages en mosaïque multicolore, à tirer les rideaux bleus comme l’azur quand le ciel se teinte de gris, bref à croquer la vie à pleine dents et à se moquer de tout, à se croire à la plage même dans l’ombre du bar en rez-de-chaussée, à s'imaginer en été même en hiver, à se dorer la pilule à l’intérieur des bow-windows comme sur les terrasses attenantes aux 5 chambres du rez-de-chaussée avec vue plongeante sur l’anarchie légendaire des arrière-cours de cet Eixample. Nous l’avions annoncé et pressenti ici, il y a quelques mois déjà bien avant son ouverture, cette Casa Bonay de 67 chambres et de seulement 4 étoiles a quand même tout pour plaire à commencer par ses tarifs, aussi légers que 130€ la nuit, wifi et petit déjeuner inclus. Ce n’est pas pour rien que toute l’équipe de la Soho House voisine y séjourna durant toute la durée de ses travaux et que l’un et l’autre continuent aujourd’hui à travailler en bonne intelligence, sûrs de tenir là deux pépites qui replacent définitivement Barcelone dans la liste des week-ends aussi incontournables qu’heureux. « Let’s have some fun ! »

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

cheap & chic
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À partir de 130€ /nuit • petit déjeuner

 
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