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Plaisir principal !

Qui n’a jamais rêvé d’être le prince ou la princesse d’un jour, les Hansel et Gretel d’un conte de fées moderne et hivernal où un chalet jaune presque couleur pain d’épices se transformerait en maison des plaisirs ? Après Randheli, voilà encore une histoire signée Cheval Blanc à laquelle il s’avère difficile de ne pas croire. On soupçonne les équipes de LVMH Hotel Management qui se cache derrière les plus belles pages de ces, désormais, légendes hôtelières, d’éprouver une certaine fascination pour l’enfance. Lorsque l’on aperçoit la silhouette du Cheval de Troie en éclats de miroir signé Bruno Peinado posté à l’entrée de ce refuge, le collier géant d’Othoniel et ses boules de porcelaine blanche ornant les sapins non moins grands de ce jardin alpin où s’est installé ce Cheval Blanc Courchevel ou l’ours polaire taillé en biseau par Xavier Veilhan sur la terrasse, on se demande bien de quel pays merveilleux ils sont les gardiens aussi impressionnants que bienveillants. Quand on découvre les autres hôtes de ces lieux, du bestiaire fantastique signés Kaws ou Murakami aux pendules à coucou en trompe l’œil en passant par les moutons de cuir, bois et fourrure et autres volatiles en émail ou à têtes de bois, déjà repérés au White 1921, ici aimablement disposés sur des chevets recouverts de galuchat ou en surplomb de têtes de lits de cuir tressé, le doute n’est plus permis, tous sont là pour nous rappeler que n’avons pas encore passé l’âge, ni rien perdu de notre capacité d’émerveillement. Tous ne seront peut-être pas touchés par chacune des inflexions de cette narration juvénile et y trouveront quelques failles qui n’échappent pas, même au meilleur des récits. Mais que serait un songe résolu à dépeindre la réalité ?

« Que serait un songe résolu à dépeindre la réalité ? Ce Cheval Blanc Courchevel qui règne aujourd’hui sur ce Pays de Cocagne n’a rien à voir avec le réel ou le commun. »

Ce Cheval Blanc Courchevel qui règne aujourd’hui sur ce Pays de Cocagne, cette station de sports d’hiver qui ne voudrait ressembler à aucune autre et dont on oublie trop souvent son inscription à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques n’a rien à voir avec le réel ou le commun. À l’instar de St Tropez l’été, dont la Résidence de la Pinède, autre propriété du groupe s’apprête à faire les beaux jours, cet autre bout de France envié de par le monde a forgé cette idée, dont on pourrait débattre longtemps, que l’exceptionnel ne s’encombrerait plus du prix pour s’autoriser tous les plaisirs. Venir à St Tropez comme à Courchevel impose donc comme préambule de bien vouloir laisser parler l’enfant foncièrement joueur qui sommeille en chacun. Une fois de plus, comme pour son alter-ego des Maldives, ce Cheval Blanc-là ne pose finalement question qu’à celui qui ne peut s’offrir l’une des 36 chambres et suites qui le composent sans qu’il soit besoin de faire mention de l’Appartement-duplex de 650m2 ou du Chalet Privé de 350m2 qui forment encore d’autres mondes en soi dont peu d’entre nous exploreront un jour les arcanes pourtant pas si secrètes et diablement ludiques. Nous mettrons donc de côté la notion du prix qui, à 1.700€ la nuit, compte mille et une attentions dont une demi-pension qui fait la joie depuis 10 ans, cette saison, d’une clientèle inlassablement fidèle dont les départs se terminent, pour l’avoir vu à plusieurs reprises, en effusions et promesses de retour prochain. Revenant dans des proportions jamais vues ailleurs, elle laisse en effet peu de place au calendrier pour d’éventuels candidats à se laisser prendre au jeu du plaisir qu’elle ne laisse de temps à ce Palace des neiges, qui n’ouvre que 4 mois dans l’année (sic), pour réinventer la roue à chaque saison.

« Le plaisir se veut ici le mot d’ordre principal d’une maison qui a pris pour devise créativité et générosité »

Ce plaisir, que venons-nous tous chercher de manière peut-être égoïste, se veut ici le mot d’ordre principal, décliné à l’envi et au détour de tous les étages d'une maison qui a pris pour devise créativité et générosité, à commencer par ses chambres. À elles seules, elles condensent tout de cet art de vivre à la française, de cette expression de la convivialité qui se veut ici poussée dans ses moindres retranchements. Aussi vastes que confortables, avec leurs coins salon et bureau, leur dressing exemplaire qui ne laisse pas de place au moindre impair et dont le seul inventaire prendrait presque des heures, ou leur salle de bains frisant la perfection, elles tiennent plus de suites que de chambres. On ne sait parmi cette débauche de peaux rares et de matériaux polis, quel service ou gadget, qui n’en est plus tant il devient essentiel, y préférer, entre l’Ipad génial pilotant comme toujours l’ensemble, les toilettes Toto dernier cri, les doubles douches-hammam à chroma et aromathérapies, la télévision en salle de bains et sous tenture, l’entretien des chaussures signé Berluti, pour n’en citer que quelques-uns. Même aveu d’impuissance devant la multitude d’attentions et de gourmandises servies chaque jour sur la table basse et qui rappelle, comme dans le célèbre conte des frères Grimm, que la nourriture joue ici un rôle central, chose que le guide Michelin à peine sorti vient de confirmer. Le 1947, nouvellement triplement étoilé donc, comme le Triptyque qui tire son nom de la trilogie photographique et emblématique de Walter Niedermayer, témoignent d’un autre savoir-faire porté par une équipe réellement au sommet. Une nouvelle fois, comme dans le cas de Randheli, cette capacité à faire passer, sous des dehors que l’on voudrait à tort hautains, cette sympathie qui vous fait vous remémorer chaque jour une dizaine de prénoms parmi les quelques deux cents employés que comptent la maison ne laisse pas de surprendre. Car ce(ux) qui compte(nt) justement, ici, ce ne sont pas les Gursky, Murakami, Pivi, et tutti quanti, auteurs des œuvres d’art originales aux cimaises, mais bien ces ambassadeurs d’une hôtellerie in fine assez décomplexée, capable de se jouer des influences et de casser les codes habituels. Cela donne parfois naissance, au fil des rénovations successives s’enchaînant sans relâche, à une partition légèrement confuse sous la main généreuse de Sibylle de Margerie, chef d’orchestre d’une décoration intérieure haute en couleurs, et le recours récent au vocabulaire stylistique très recherché et pas moins avare d’effets de Peter Marino, déjà en charge de nombreuses boutiques du groupe et de la refonte dudit Triptyque dans une trilogie de rouge de noir et de blanc s’ajoutant aux 5 harmonies de couleurs déjà développées dans les chambres.

« On ne peut plus désormais parler de Cheval Blanc Courchevel sans s’attacher aussi à sa table comme à l’homme qui vient de se voir décerner l‘ultime récompense du Michelin pour la seconde fois »

Voilà peut-être la seule et unique faiblesse d’une maison dépourvue de ce fameux fil rouge qui prête pourtant si bien son nom à l’invraisemblable nappe-dessert du 1947 parcourue dudit fil et d’une myriade de stations, pistes et slaloms aménagés autour du sucré avec autant d’intelligence que de poésie. On ne peut plus désormais parler de Cheval Blanc Courchevel sans s’attarder sur sa table et sur l’homme qui vient de se voir décerner par le truchement de son chef, le très humble Gérard Barbin, l‘ultime récompense du Michelin, pour la seconde fois. Le voilà donc, Yannick Alléno, avec ce restaurant d’altitude, au firmament, consacré comme le seul chef français deux fois triplement étoilé (comme le fut Alain Ducasse en son temps). À l’une de ses cinq tables cousues de cuir blanc ne craignant pas le télescopage des genres en dépit d’une sophistication extrême, lové dans ses fauteuils futuristes et au pieds d'airain recouverts d’énigmatiques fourrures à capuche et intérieur de satin rouge qu’on aurait empruntées à la magie de Noël et servies par quelques hôtesses ou Fées des neiges déambulant entre plafonds-soucoupes de stuc blanc et nacelles de bronze, on décolle littéralement pour un voyage au pays des sauces modernes et des extractions légères du chef, inventées ici même. Sans entrer dans le menu détail de cette expérience unique à plus d’un titre, on en retiendra une fois encore, le pouvoir narratif parfaitement illustré par la seule carte des lieux, qui au travers d’une loupe en forme de boule à neige mène précisément des amuse-bouches au Principal avant de finir dans des sommets d’inventivité et de plaisir. La neige, telle une page blanche, semble décidément vouloir se prêter à toutes les audaces et les fantaisies de grands enfants en pleine conscience de leur plaisir et prêts à se laisser materner. Que cela soit au spa, où sont dispensés des soins Guerlain dans des formules au réel pouvoir rajeunissant comme le protocole Black Orchid, dans l’espace détente où l’on ne sait pour quelle réjouissance opter entre piscine, aquabiking, puits d’eau glacée, douche sensorielle, sauna ou hammam ou sur la piste du Jardin Alpin où chaque matin, comme le faisait autrefois nos mamans préparant nos cartables pour l’école, l’équipe du ski-room Bernard Orcel, forcément, aligne en regard de chaque drapeau planté dans la neige fraîche et correspondant à chacune des chambres, bâtons et skis prêts à être chaussés, toutes les joies de l’enfance semblent vouloir se donner rendez-vous à Cheval Blanc. Le goûter servi au retour des pistes avec chocolatière et douceurs sucrées sur plateau d’argent, les tisanes en thermos individuels préparées le soir après le diner ou les brumes d’oreiller attendant parmi tant d’autres attentions en chambre, feront fondre, s’il en était encore besoin, les derniers indécis ou récalcitrants au plaisir, ceux-là même capables de bouder leur promenade au milieu des étals d’une Grande Epicerie de Paris, autre propriété d’un groupe qui ne cherche pas à ménager ses efforts pour continuer à nous faire rêver. Avec ses maisons, Cheval Blanc a décidé d'imposer le plaisir comme principale condition au séjour, qui s’en plaindrait ?

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

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À partir de 1.700 €/nuit en Chambre Supérieure • Demi-pension

Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • 150€ food & beverage credit au Tryptique • petit déjeuner • accueil personnalisé

 
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