Back from…Amanjiwo
Aussi mythique que mystique !
J'ai coutume de dire qu’il est des hôtels qui n’en sont pas. Tout simplement parce qu’ils vont au-delà de tout. Je les ai précieusement rangés dans les petits tiroirs de ma mémoire comme dans les pages de ce blog en une catégorie baptisée « & beyond ».
Oui, car au-delà de tous les « very best », d’autres vont encore plus loin dans la perfection pour former l’exception, cultivant un « au-delà » ou plus exactement un autre monde pas si éloigné de celui dont on ne revient pas, celui fait de mystères que chantent et appellent de leurs vœux croyants et spirites et qui fait dire au Coran dans sa sourate 29 : « Cette vie d'ici-bas n'est pas qu'amusement et jeu. La demeure de l'au-delà est assurément la vraie vie » avant de conclure : « S'ils savaient ! »
Les Amanjunkies en sont convaincus depuis près de 30 ans. Ils savent que derrière l’appellation d’Amanjiwo se cache en sanscrit la promesse d’une âme en paix. Dans ce pays qui était bouddhiste avant d’être majoritairement musulman, qui prône l’unité dans la diversité, l’objet architectural qu’a commandité pour eux Adrian Zecha, leur ancien gourou, auprès d’Ed Tuttle en est la preuve. Tout en Amanjiwo parle de cet au-delà valant exception, à commencer par sa localisation aussi spectaculaire que reculée sur les contreforts des monts Menoreh. Avec comme unique point de vue la chaine formée par les volcans Merbabu, Sunbing et Sindoro, Amanjiwo s’inscrit, dans cet amphithéâtre naturel, de manière exceptionnelle. Mais comme si cela ne suffisait pas, son architecte l’a positionné dans un alignement parfait avec l’une des dernières merveilles du monde à être parvenue jusqu'à nous.
À l’inventaire du patrimoine Mondial de l’Unesco, le fameux Candi Borobudur se laisse ainsi admirer dès le stupa central de son alter-ego franchi comme si l’un et l’autre ne formaient plus qu’un, comme si la visite de l’un ne pouvait aller sans celle de l’autre. A l’instar des Aman Summer Palace, Aman Kyoto, Aman Sveti Stefan, Aman Venise, Amandayan ou Amansara, Amanjiwo n’offre pas qu’un accès privilégié à un site exceptionnel, il se confond géographiquement, historiquement ou stylistiquement avec lui, affirmant par là qu’un hôtel fait bien une destination. Pour avoir visité, pris d’impatience, les sites de Prambanan et Borobudur il y a 25 ans, quand un seul et sinistre hôtel international régnait sur la déjà très saturée Jogjakarta, je sais d’autant plus que patience et longueur de temps peuvent trouver à être récompensées quand pareille beauté vient à se poser en de tels lieux.
Aujourd’hui, l’Amanjiwo d’Ed Tuttle pourrait presque se suffire à lui-même et dispenser de toute sortie tant il condense en ses murs les attributs du monument auquel il se réfère directement, donnant la parfaite illusion d’y vivre par procuration. N’allez pas croire que seules la grandeur et le raffinement de son ainé auraient été les seules à s’inviter sous le crayon de l’architecte franco-américain, la beauté formelle comme la spiritualité la plus douce n’y sont bien évidemment pas absentes. Comme très souvent avec Aman, il ne s’agit plus seulement d‘habiter le paysage ou l’histoire mais de les vivre intensément presque religieusement. Aujourd’hui encore, il me suffit de fermer les yeux pour me rappeler, avec l’acuité du croyant, de cette arrivée presque anonyme dans la jungle verdoyante, de ce chemin en pente dévalant vers ce stupa comme sorti d’un songe, de cette volée de marches menant religieusement en son cœur sépulcral percée d’une lumière irréelle filtrant du dehors et dévoilant une fois les yeux décillés la silhouette lointaine mais bien réelle du révéré Candi. Il ne s’agissait pas d’une vision ou d’une quelconque fantasmagorie, les silhouettes luxueusement vêtues de costumes traditionnels allant et venant entre les arcades n’étaient pas plus les acteurs d’une pièce à ciel ouvert mais bien les gardiens de ce temple où s’alignaient les calices fournis de brassées d’orchidées sauvages et rousseautes. Portant à bout de bras ou sur la tête de lourds plateaux, parfois accompagnés de délicates ombrelles ou lestés de paniers d’osiers dans le dos, ils s’en allaient bien servir avec révérence les occupants presque invisibles de ce palais merveilleux aux panneaux d’or et mobilier d’argent.
Qui pour quitter ces thébaïdes de pierre mordorée, qu’elles aient ou non les irréelles proportions de l’unique suite Dalam Jiwo ? Qui pour se lasser des bassins de nage suspendus sur les rizières ou les stupas voisins ? Qui pour se repaitre de la contemplation des paisibles et tutélaires « gunung » ou de la vie des villageois dans les rizières en contrebas ? Qui pour ne pas s’émerveiller des temples garnis d’offrandes surgissant çà et là, de ces « bales » prêts à recevoir les amoureux d’un moment béni entre tous. Grâce au travail de Ian White, son ancien GM et Jan Hess aujourd’hui, tous deux chantres fervents de la culture indonésienne, ce resort, aussi mythique que mystique, ne connait que peu d’équivalents. C’est toute l’Indonésie plurielle et séculaire qui est ici célébrée, du travail de la terre au culte des esprits, de la bienveillance extrême à l’excellence du service jusqu’à cet artisanat exemplaire dont le monde entier continue de s’inspirer. Des batiks aux bois de "sungkai" en passant par les peintures javanaises, tout à Amanjiwo rend hommage à ce pays si singulier que l'Office du Tourisme Indonésien a justement qualifié de "Wonderful". J'ai beau y multiplier les voyages, me plaindre comme tout à chacun de l'effervescence touristique, je ne peux me détacher de cette Indonésie et de ces merveilles, notamment de ce Borobudur dont la visite au petit matin ou sous le soleil du soir rentre évidemment au catalogue des expériences d'Amanjiwo.
Mais comme je le disais précédemment, il suffit de se lever avec le soleil, de quitter sa Suite, de descendre ces escaliers menant aux champs de riz vert tendre avec les volcans encore endormis dans la brume, d'observer les oiseaux tournoyer dans le ciel encore hésitant, de se perdre dans une de ces allées flanquées de hauts murs pour déboucher sous l’effet du jour naissant sur la silhouette aussi imposante que manucurée des banyans légendaires entourant la piscine principale pour se dire, en proie à l’émotion, que l’homme est aussi capable de très belles choses en ce bas monde. Si les plus doués l'immortaliseront grace à la boite d'aquarelles et au carnet de croquis mis à disposition dans chacune des Suites, les autres tenteront, comme moi, d'imprimer pareille magie sur la pellicule... tenteront !
Mots & images : Patrick Locqueneux
À partir d'env. 785€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • petit déjeuner • 100$ resort credit • accueil personnalisé