Back from… Coqui Coqui Mérida
Délicieusement décadent
Halte incontournable sur la route du Yucatan et point d’accès privilégié pour ceux préférant la voie aérienne, Mérida, la cité blanche du Mexique et capitale de la région n’a peut-être pas le charme de Valladolid mais abrite quelques trésors dans son damier de ruelles étroites et bigarrées.
L’iconique Coqui Coqui Merida se veut l’un d’entre eux. À quelques pas du célèbre Paseo de Montejo où s’alignent les villas des anciens millionnaires du sisal, du très coloré Palais du Gouverneur ou de l’imposante cathédrale de San Ildefonso, la désormais légendaire Epiceria reste l’Adresse où séjourner pour une plongée dans la Belle Époque. Sur le même principe d’exclusivité que Coqui Coqui Valladolid, Francesca Bonato et Nicolas Maleville, à la tête de leur marque singulière, précurseuse du boho-chic, ont fait de ce Coqui Coqui Mérida, le graal des instagrameurs comme de tous les amoureux.
Il faut dire qu’avec son unique suite à l’étage (rejointe depuis peu par une seconde) et ses deux baignoires trônant en majesté dans la chambre, la photogénie des lieux s'impose. Comme à leur accoutumée, ils ont ici créé un décor ouvertement bohème et volontairement déliquescent. Les origines italiennes de Francesca ont certainement influé sur ce Coqui Coqui aux forts accents transalpins et cette Suite à l’atmosphère toute viscontienne. Atteint par une volée d’escaliers de guingois et protégé par une série de portes à claires-voies dissimulées derrière d’épais rideaux de velours cramoisi, cet antre à la folle décadence donne l’illusion d’être habité par un esthète en attente de quelconques bacchanales.
Les armatures de fer de l’imposant baldaquin, le jaune d’or des draperies, des miroirs et des cierges vénitiens richement festonnés, les canapés-lits recouverts de draps comme jetés à la hâte, les pampilles croulantes comme les palmes agitées par la danse lancinante des ventilateurs ne laissent nulle place au doute. Tout suinte ici l’indolence et la paresse, que le tintement des carafons de cristal disposés en nombre et les cascades des sanitaires à l’émail étincelant s’apprêtent à sortir de la torpeur. Au dehors, le soleil écrase les murs badigeonnés d’ocre qui courent de l’extérieur à l’intérieur, nous rappellent le temps des conquistadors et la quasi-permanence de l’été sous cette latitude que les pluies comme le bassin bordé d’azulejos en terrasse peinent à troubler.
Une fois encore, le couple d’hôteliers (que ce mot tant galvaudé leur sied mal) n’a pas lésiné sur l’espace réservé à leurs hôtes. En leur laissant, le soir venu, les clés de la boutique, à la fois tisanerie, chocolaterie et parfumerie durant le jour, en leur réservant pour leur seul usage cette piscine comme ce salon de beauté à l’étage, en leur offrant comme à l’accoutumée cette boite découverte de leurs parfums et onguents, ils donnent à vivre une expérience plus magique que luxueuse et forcément inoubliable. Il ne faut pas chercher ici la perfection des détails, la rigueur des lignes ou la pureté des intentions, Coqui Coqui joue dans une cour à part, sans règle établie et sans réel enjeu. Le parfumeur, botaniste et styliste le répète à l’envi, Coqui Coqui n’a pas vocation à devenir une chaine d’hôtels, bien que 5 adresses constituent désormais son portefeuille, mais une succession de lieux à vivre où règne le même état d’esprit, affranchi des contraintes et des diktats, guidés par la seule quête du plaisir des sens, entre beau et bon, gourmandise et délicatesse. Comme tous les autres Coqui Coqui Mérida se veut joliment flottant et délibérément imprécis, empli d’une atmosphère qui ne demande qu’à être cueillie à l’instar de ces palmes en nombre, colonisant des vases aux cimaises en passant par le jardin d’hiver.
La maison a beau être urbaine, elle n’en cultive pas moins cette idée de luxuriance propre à la jungle encore présente une fois les portes de la ville franchies. Pour Coqui Coqui, il s’agit à nouveau d’exsuder ce parfum si particulier et un brin nostalgique d’un pays au passé glorieux. Laisser l’agitation au dehors, rentrer prendre un bain en plein après-midi les fenêtres grandes ouvertes, déambuler en peignoir sur la terrasse, s’immerger dans la piscine avant de grimper sous les toits pour un massage au soleil couchant a aussi quelque chose de glorieusement décadent et d’intensément délicieux.
Mots : Patrick Locqueneux
Images :Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir d'env. 295€