Back from… White 1921 Courchevel
Entre âge tendre et têtes de bois !
Il y a des gens et des lieux, des lieux qui font les gens et plus rarement des gens qui font les lieux. Par gens, on n’entend pas ici ceux de LVHM Hotel Management sans le talent desquels rien de cet objet hôtelier tiré à quatre épingles n’existerait, ni Jean-Michel Willmotte sans qui le style montagnard s'en référerait encore à la grossièreté ou à la rudesse d’un simple rondin de bois. Non, par ces gens, on entend, en l’espèce, ces individus qui font le quotidien, préparent, veillent, amusent, régalent ou s'y essaient - on y reviendra plus tard - ou tout simplement reçoivent avec une joie de vivre parfois tonitruante, une complicité espiègle mais surtout une irrésistible envie de plaire. Difficile donc de rester ici d'humeur boudeuse et de ne pas se laisser embarquer dans la douce fantaisie volontiers communicative d’Agnès Bouanani, flanquée de son vibrionnant acolyte Stéphane Correia. De ce couple de circonstance aux caractères dissemblables sort, comme en pareil cas, une belle alchimie qui donne à la jeune et petite équipe qu’il dirige un relief particulier.
En fait, c’est une sorte de famille recomposée qui fait les beaux jours de ce qu’on appelait autrefois justement pension de famille et qui a pour nom aujourd’hui White 1921, un produit hybride qui ne ressemble finalement à rien de vraiment connu sous nos latitudes et qui rappellerait plutôt cette idée de motel américain. Allez savoir pourquoi !? Il n’y a pourtant, en dehors d'hublots géants qui feraient plutôt référence à un navire, aucun signe particulier ou facilité qui permettraient de passer de sa voiture à sa chambre sans encombre, comme un immense parking en bordure d’une route sans fin, non rien de tout cela, tout juste quelques places où la garer par chance dans cette courte rue du Rocher de Courchevel 1850, ultime porte d’accès au plus grand domaine skiable au monde. Cet hôtel de poche, qui n'a rien de la taille d'un paquebot, a en commun avec son petit frère de St Tropez, une situation des plus enviables littéralement en plein cœur des deux stations peut-être les plus sophistiquées et enviées qui soient. La joie des bains de mer pour l’un, le plaisir des sports d’hiver pour l’autre, une bouteille de la célèbre cuvée Moët & Chandon Grand Vintage 1921 d’où ils tirent leur nom dûment placée sous cloche comme dans leurs caves, la comparaison devrait peut-être s’arrêter là ! Car même si les deux adresses sont estampillées Willmotte, force est de constater que le résultat ne supporte pas vraiment d'autre comparaison. Là où l’une est étrangement dépourvue de charme et sans proposition véritable autre que celle d'héberger, l’autre se veut tout le contraire. C’est bien simple, si l’on devait décerner un prix aux chambres les plus sexy de la célèbre station de La Tarentaise, il reviendrait sans doute à ces dernières tant il n’y manque rien et tant la proposition s’y impose aussi réjouissante que rafraichissante. L’homme aux 1.000 projets y a-t-il personnellement veillé ? Qu'importe ! L’équipe qui en a supervisé les moindres détails ne s’est assurément pas trompée. Elle a tapé dans le mille. Rarement l’esprit montagne ne s’est exprimé avec autant de créativité et simplicité. Les bois sont bien là, sous la forme de simple billots en guise de chevets, certes déjà vus, les peaux de mouton ne se sont pas contentées de jouer les descentes de lits, occupées par des couvertures de grosse laine que l’on retrouve montées en rideaux, mais ont pris leur aise sur des fauteuils de lutin jusqu’aux extérieurs à l’abri de balcons qui ornent fort joyeusement la plupart des 26 chambres de ce motel des neiges de nouvelle génération.
Pour le reste, la montagne blanche et pure se découpe en kaléidoscope sur les murs sous forme de centaines de losanges alternant avec le bleu profond et sans nuage du ciel entre lesquels on s’attendrait à voir slalomer les skieurs démultipliés des photographies de l’artiste Antoine Rose qui en ornent les cimaises, tandis qu’hiboux et pinsons à la tête de bois jouent les hôtes improvisés au milieu de bilboquets et autres jeux d’adresse de l’âge tendre. Les moquettes tout aussi bleues ne sont pas en reste et s’amusent, elles, à se laisser transpercer de toute part par des rais de soleil imaginaires ou bien réels. L’ensemble n’est pas seulement séduisant, il est redoutablement efficace. Il y a là, même dans la plus petite de ces chambres au confort soigné, pléthore de rangements et d’astuces pour faire tenir minibar offert ou cafetière Nespresso en libre-service, intégrer bureaux ou télévisions au contenu intelligent ou lampes géantes en suspension comme en transparence. Tout est si bien tenu et en bon ordre de marche, loin des habituels standards de la catégorie dans laquelle on rangerait hâtivement pareille aventure qui frôle l’indécence de porter son prix d’appel à 290€ pendant quelques jours au plus bas de la saison, qu’il n’est pas rare d’y voir débarquer quelques habitués de son illustre voisin et grand frère Cheval Blanc (bientôt chroniqué). Une maison qu’Agnès a bien connue puisqu’elle en fut autrefois, à son ouverture il y a déjà dix ans, l’inoubliable gouvernante avant de s’improviser, il y a deux années de cela, en Maitresse de maîson de ce White 1921 à la démarche singulière dans l’univers de l’hôtellerie alentour. Séduits par la modernité du propos et la décontraction ici forcément de mise, ces pensionnaires à l’allure sportive et rajeunie y ont déjà pris leurs petites habitudes, heureux de s’affranchir du luxe ayant cours ailleurs, de retrouver Benoit au ski service ou de se retrouver dans l’intimité de l’unique salon tendu de feutre gris et de bois clair formant le cœur et l’âme des lieux.
Si on ne les imagine pas moins heureux de se détendre à l’heure de l’après-ski à la salle de fitness ou au non moins micro mais parfait spa dont seule une table de massage viendrait finalement à manquer au hammam, sauna et jacuzzi déjà en place et si efficacement mis en scène, on doute qu’ils éprouvent autant de plaisir à rejoindre, pour les rares qui n’auraient pas eu le courage de traverser la rue pour profiter des délices du Courchevel by night, la salle de restaurant où, pour cette seconde saison et à leur demande, une restauration légère vient d’être mise en place. Là, où dans l’énergie du petit matin, cette salle à manger, qui tient quand même plus du réfectoire, n’éprouve aucune peine pas à trouver ses repères copieusement éclairée au travers d’hublots géants et fort délicieusement agrémentée de petits déjeuners sans reproche, il en va bien différemment le soir venu sans qu’il soit besoin de faire mention d’une cuisine qui, même si elle refuse de se prendre au sérieux, n’en est pas une. LVMH Hotels Management n’étant pas du genre à improviser, gageons que, d’ici la fin de cette saison ou la suivante, une telle aventure n’ait plus cours ou qu'elle aille bien au-delà du simple fait de vouloir faire plaisir à cette clientèle qui a délibérément pris l’option d’un "cheap" très relatif qui ne saurait toutefois être autrement que chic. Entre âge tendre et têtes de bois, ce qui est déjà un petit précis de cohérence, d’efficacité et de confort n’est encore qu’à l’aube de ses très beaux jours.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir de 290€/nuit • petit déjeuner