Back from… Kettner’s townhouse
Comme à la maison !
Parfois l’on rêve l’Angleterre et Londres avec, comme un nuage de lait dans un thé noir et un zeste de citron… à l’ancienne ! L’on s’imagine alors les parquets qui craquent, les rideaux en chintz, les cordelettes aux stores bateaux, les chainettes aux bouchons des baignoires sur pied, les napperons sur les tables d’acajou, les têtières sur des canapés capitonnés en Chesterfield ou en velours cramoisi, les plissés aux abat-jours, le gin au shaker et les cookies dans une boite en fer...
Soho House a fait de tout cela, dans la capitale anglaise comme ailleurs de par le monde, la base de son fonds de commerce sans qu’il ne vienne à se démoder. Au contraire, ce style anglais est devenu une référence incontournable et presque un gage de modernité pour la bande de créatifs que les clubs et maisons fondés par Nick Jones hébergent depuis près de 35 ans. La ligne maison baptisée Soho Home comme les ouvrages distillant cet art de vivre de « Eat Drink & Nap » à « Morning Noon Night » sont aujourd’hui considérés comme des « must have ». L’immense pari du Ned, l’année dernière, avec son penchant immodéré pour la nostalgie en plein coeur de la City, avait déjà laissé entrevoir ce que cette posture avait de moderne. La Kettner’s Townhouse, dont il est question aujourd’hui, confirme la tendance vintage et se promet au même succès.
Certes aujourd’hui, les bureaux vintage intègrent des minibars aussi invisibles qu'abondants, les armoires anciennes ne grincent plus et accueillent tout ce qui fait les plus beaux dressings jusqu’à la brosse anti-peluches sous housse logotée comme la ribambelle d’amenities encombrant des salles de bains offrant le nec plus ultra du confort, les fenêtres ne laissent plus passer l’air et filtrent le bruit du dehors (au point de ne plus s'ouvrir, dommage), les claviers des téléphones ne tournent plus dans le vide et une seule pression vient à bout de toutes les demandes tandis que les oreillers s’empilent au-delà de la raison. Le progrès est passé par là, c’est sûr, mais c’est bien l’expérience qui, « always wins the days » comme on dit là-bas !
Soho House est passée maître dans l’art de distiller le plaisir sur tous les fronts et ce sans aucune faille. Les 33 chambres de cet ensemble, dont l’unique Jacobean Suite classée Grade II, ne font pas exception à la règle. La Kettner’s dont le cuisinier, dit-on, régalait autrefois l’Empereur Napoléon III et dont le succès ne s'est jamais démenti jusqu'à l'après-guerre vient de trouver une nouvelle jeunesse quelques 150 ans plus tard. Elle ne dépareille en rien de la Soho House originelle, là où toute l’histoire du groupe a commencé en 1995, également et superbement rénovée dans l’immeuble mitoyen de Greek Street. Comme sa grand sœur voisine elle a pour nouvelle ambition de régaler et d’amuser la crème de la crème créative de la ville, avec l'hébergement en plus à l'étage. La grande cuisine française est donc de retour à cette table où les appétits aiguisés et alignés en rang d’oignons sur les banquettes à fleurs sont comblés par des produits aussi à l’aise dans leur simplicité que leur exemplarité. On y retrouve avec plaisir la grande tradition du service en veste et en gants blancs, le beurre moulé, le citron en chemise comme le caviar ou la truffe en option sur tous les plats ou presque. L’un et l’autre s’harmonisent à merveille avec le champagne qui a ici un bar dédié et n’hésite pas, lui non plus, à paraître à la carte d’un petit-déjeuner au demeurant absolument remarquable, balançant avec le même allant entre tradition et modernité. Dire que Soho House maitrise son sujet est un doux euphémisme.
Vous aurez beau chercher ce qui aurait pu être oublié à l’un ou l’autre des étages de cette maison Georgienne dont on aime rien tant qu’arpenter les escaliers et couloirs moquettés ou prendre soin de ne pas laisser claquer les portes pour ne pas gêner son voisin, vous ne trouverez pas ! Opter pour Kettner’s Townhouse, c’est faire le choix de la maison, marquer sa préférence pour l’intime et savoir faire preuve de civilité à l’instar des équipes comme toujours formidablement castées et qui forment les membres certes cosmopolites d’une même famille à laquelle on se sent appartenir après quelques heures et qu’on peine à quitter au moment du départ. Malgré son absence de spa ou de salle de sport, la Kettner’s, comme on l’appelle déjà, sait se rendre attachante pour ne pas dire incontournable pour quiconque voudrait se sentir comme chez soi et expérimenter un cœur de Londres toujours aussi festif et romantique.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir d'env. 158€/nuit