Back from… La Route du Sud, Maison de l’Oasis

En route pour le Sud !

Je vous avais quitté la dernière fois en cours de route à l’approche de Tighmert à cet instant même où le regard peine à embrasser la multitude de franges vertes émergeant du paysage, l’ombre rampante dans laquelle se blottit le second havre de ce périple, judicieusement baptisé Maison de l’Oasis, une oasis au sens propre comme au figuré. Cette halte rafraichissante et paisible se cache à travers un dédale de seguias récemment remises en eau et de vergers pittoresques à l’abri de dattiers et autres grenadiers ployant sous le poids de leurs fruits. Comme pour mieux la désirer encore, Thierry Teyssier son ordonnateur, a voulu que les derniers mètres qui en séparent l’entrée se parcourent à pied tandis que les malles suivent en carroussa sur un chemin de terre crue ressemblant à cent autres autour, un de ces sentiers où il fera bon se perdre dans la chaleur du soir déclinante ou à l’adhuba, l’aube montante, du lendemain.

Celui qui n’a jamais connu une promenade en palmeraie se prive d’un de ces moments rares comme suspendus hors du temps, à l’image de ce lieu dont rien n’indique la présence et qui convoque entre ses murs de pisé et derrière son portail simplement fait de troncs coupés et de feuilles de palmes tressées l’Afrique immémoriale. Il y a ici déjà l’influence de la Mauritanie à travers ces peintures ethniques au pochoir que l’on retrouve en frise ou en motif isolé un peu partout sur l’encadrement des portes, sur le linge de maison ou dans les arts de la table dessinés spécialement pour les lieux, les toiles de stores en poils de chameau tressés par les coopératives locales et plein d’autres clins d’œil ou hommages plus appuyés à cette terre d’ébène si proche. Après une première journée de route, c’est un lieu de détente avec une véritable salle de bains et une baignoire, comme un bijou précieux, qui attendent le voyageur, un endroit qui fait écho à l’eau alentour et qui, sous le crayon toujours aussi respectueux du Studio KO, tient du miracle.

« Ce lieu dont rien n’indique la présence (...) convoque entre ses murs de pisé et derrière son portail simplement fait de troncs coupés et de feuilles de palmes tressées l’Afrique immémoriale »

Cette Maison de l’Oasis n’en est pas vraiment une à proprement parler. Il s’agit en fait de deux pavillons éloignés l’un de l’autre par un terrain de jeux commun où on aime à jouer au cricket, chacun d’entre eux renfermant selon, une ou deux chambres, une vaste salle de bains, et une terrasse-salon en extérieur. Le confort y est si grand que l’envie de rester pour plus de 24 heures ferait sans mal, là encore, son chemin. Heureusement qu’une piscine ne joue pas les intrus et n’attache pas de manière déraisonnable à ce jardin sec agrémenté de quelques plantes et succulentes suggérées par l’ami Louis Benech. L’eau, reste celle de cette palmeraie délicieuse que l’on voudrait sillonner mille fois et dans laquelle on penserait à se perdre. Car quand sonne déjà l’heure de l’apéritif, assis autour du brasero sur de simples troncs de palmiers sciés, flotte déjà un doux parfum de trop peu. La fin d’après-midi passée à lire ou à écrire dans le rocking-chair à l’ombre de la varangue, ou à se laisser aller à la rêverie pour les moins courageux, semble déjà faire partie des souvenirs. Le lendemain, il faut en effet une fois de plus se résigner à quitter des lieux troublés par le seul chant des oiseaux et partir à l’assaut de nouvelles aventures sur cette Route du Sud décidément inoubliable, non sans avoir fait un détour par le Musée de Tighmert improvisé dans l’une des kasbahs de pisé mitoyennes. Mais avant cela, le diner, comme à l’accoutumée exceptionnel, aura été servi dans la chaleur et l’or d’un feu crépitant à souhait, une séance de cinéma sous des étoiles plus brillantes et filantes qu’ailleurs aura été faussement improvisée, un écran aura été tendu comme par magie le temps du repas, des plaids auront été disposés sur des méridiennes tirées sur le sable entre les palmiers géants et des dizaines de lanternes auront été allumées pour paver le chemin de ce paradis terrestre. Si jusque-là, on se sentait encore sur un axe de civilisation, à partir de cet instant, celle-ci va s’éloigner peu à peu pour nous confronter à une bienheureuse perdition. La promesse de retrouver sur la prochaine étape, chauffeur et butler, rend, pour les plus nostalgiques ce passage plus doux mais pas moins spectaculaire.

« Si jusque-là, on se sentait encore sur un axe de civilisation, à partir de cet instant, celle-ci va s’éloigner peu à peu pour nous confronter à une bienheureuse perdition »

L’arrêt suivant se fait en effet sur ce que j’aime à appeler le toit du monde, à Amtoudi, à 1h30 de là, dans la région des greniers à grains collectifs dits greniers-citadelles, Agadirs en langue berbère. Ces forteresses d’un autre âge où les tribus nomades entreposaient leurs richesses à l’abri des convoitises sont comme des tours de Babel accessibles au prix de sentiers escarpés gravis à la force des jambes ou à dos de mule. Devenues lieux de mémoires, ces carapaces de pierre, tout juste redécouvertes et désormais vidées de leur sens comme de leur contenu, n’en continuent pas moins de tutoyer le ciel et d’aimanter les regards incrédules sur la plaine à des centaines de mètres plus bas et des kilomètres à la ronde une fois que l’amin, son gardien, posté là pour l’occasion et en préservant l’exclusivité, en a ouvert la lourde porte et découvert les toits terrasses. Il m’en coûte d’en dévoiler la surprise car la découverte de ces espaces rendus à leur virginité rocailleuse et servant dans le cas présent de cadre à une mise en scène aussi féérique qu’inattendue d’un déjeuner servi chaud, assis sur des tapis berbères autour de tables nappées de lin et adossés à de larges coussins orientés face au paysage avec la ligne d’horizon pour seul témoin de ce moment exclusif a de quoi arracher un cri ou des larmes aux plus endurcis.D’autant que plateau et broc d’argent, aspersoir de fleur d’oranger, serviettes brodées montées à dos de mules (comme la cuisinière de fortune) avant l’arrivée des convives médusés attendent en marge pour quelques ablutions de rigueur avant que les butlers ne procèdent au service de cet unique déjeuner, dans des assiettes d’argile émaillée, d’un tajine de légumes fumant, de brochettes marinées et juste saisies suivies d’un dessert de grand pâtissier. Dans cette parenthèse totalement inimaginable pour le commun des mortels, tout concoure à affoler les sens. Le temps paraît bien suspendu quand seul le souffle du vent se fraye encore un chemin dans le silence ouaté, que la lumière au zénith brave le bleu du ciel et vient chatouiller de ses rayons les pierres la défiant à pareille altitude pour s’unir en une vision sacrée. Croyez-moi, face à une telle immensité, même l’athée considérera ce lieu comme propice à la rencontre avec Dieu.

« Le temps paraît bien suspendu quand seul le souffle du vent se fraye encore un chemin dans le silence ouaté, que la lumière au zénith brave le bleu du ciel et vient chatouiller de ses rayons les pierres la défiant à pareille altitude pour s’unir en une vision sacrée »

S’arracher à pareille perspective n’est pas aisé et pourtant la suite de la route dépasse les espérances. Entre Akka et sa palmeraie, l’une des plus vastes et plus belles de ce sud, les avant-postes de l’Anti-Atlas alternent regs et hamadas dans un panorama ininterrompu de massifs comme scarifiés avec une régularité et une précision déconcertante. Dans cette savane pétrifiée, on imaginerait volontiers la main de l’homme ou celle de Dieu à l’œuvre mais la nature est seule architecte de ce paysage surréaliste où s’aventurent encore dans les traces laissées par leurs ancêtres quelques nomades accompagnés de leurs troupeaux dans d’irréelles caravanes comme autant de petits points blancs. Une fois arrivés aux abords de l’oued et de ses vasques claires où s’ébattent les enfants tandis que les femmes veillent au linge, une nouvelle pause gourmande, composée d'une patisserie et d'une infusion chaque jour différente, attend au terme d’une courte marche qui délasse les jambes engourdies comme les yeux encore écarquillés par le spectacle aperçu jusqu’alors. On laisse le soleil rappeler dans son jeu de cache-cache avec les palmes des grands dattiers l’heure de la remise en route car il reste encore à voir dans ce parcours défiant l’imagination. Suite au prochain numéro...

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux & Olivier Chevalier

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À partir de 6.000€/personne (de 1 à 3 participants) ou 5.000€/personne (de 4 à 6 participants) • Formule tout inclus : transferts aéroports de Marrakech ou Agadir, 4x4 avec chauffeur et butler sur la route, tous les repas et collations, boissons (sauf champagne), excursions, 2 massages/personne.

 
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