Back from… Paradise Road Villa Bentota

Paradise Road, étape obligée !

Parler du l’ancienne Ceylan, sans évoquer Shanth Fernando et sans convoquer la figure légendaire de Geoffrey Bawa paraitrait déplacé tant l’un et l’autre ont à voir avec son histoire et l’engouement qui semble à nouveau s’emparer de ce pays doublement meurtri par la guerre et le tsunami. L’un et l’autre se sont d’ailleurs voués une grande estime. Pour la petite histoire, Bawa fut, comme tant d’autres, un des clients de Fernando et l’on retrouve encore ses fameux coussins rayés de noir et de blanc dans les villas conservées par sa Fondation. Fernando, lui, est devenu propriétaire de l’une des anciennes réalisations du grand architecte qui nous occupe aujourd’hui, la Villa Bentota autrefois appelée Mottihi Walhua, premier boutique hôtel à avoir vu le jour dans les années 70 sous son impulsion mais aussi de ses anciens bureaux à Colombo dont il fait son siège social.

« Derrière les initiales P.R, pour Paradise Road, se cache un petit empire dédié à une certaine idée de l’élégance et du bon goût »

Derrière les initiales P.R, pour Paradise Road, se cache en effet un petit empire dédié à une certaine idée de l’élégance et du bon goût dont il joue les apôtres en famille depuis près de 30 ans. Touche à tout, versatile et collectionneur invétéré, ce père de deux filles, l’une à la tête du premier concept store de mode de la capitale et de son propre label Maus, l’autre, créatrice de bijoux et en charge d’une des plus importantes galeries d’art du pays, a fait des rayures et des cubes bicolores, sa marque de fabrique. De la patine que l’on aime à laisser aux objets, il en a fait un style qui s’est exprimé ailleurs sous l’appellation shabby chic ou wabi sabi plus près de lui. Qu’il s’agisse de sa galerie d’art, de ses boutiques, de ses restaurants ou de ses deux hôtels Paradise Road Tintagel à Colombo ou Paradise Road the Villa à Bentota, l’homme a fait, comme Bawa en son temps, de sa prédilection pour l’usé et l’abimé un exercice de style parfois à la limite du genre, il faut bien l’avouer. Ce qui est très vrai pour Tintagel, l’est heureusement moins pour Bentota, la rusticité de la Villa et son caractère campagnard s’accommodant forcément d’une tenue plus lâche qu’en mode urbain. Peut-être faut-il une visite à la dernière demeure de l’architecte sri-lankais, Number 11 à Colombo, ou à Luguganga, son chef d’œuvre à Bentota, à quelques minutes à peine de la Villa, pour non seulement prendre toute la mesure de ce modernisme tropical, de cette passion pour le vernaculaire qui a tant inspiré son disciple mais aussi pour mieux appréhender cet état d’abandon auquel nous autres occidentaux avant tant de mal à nous laisser aller. L’ancienne plantation de caoutchouc, le lieu de toutes les expérimentations cosignées avec son frère paysagiste, sert pour cela de formidable introduction à cette philosophie., au point de mettre définitivement Bentota sur la carte des hotspots incontournables.

« Sur une route (...) qui mènerait directement de Colombo à Galle ou Tangalle plus au Sud, respectivement lieux de villégiature des inoubliables Amangalla et Amanwella, la Paradise Road Villa Bentota fait alors office de halte non moins incontournable »

Sur une route ou une voie de chemin de fer qui mènerait directement de Colombo à Galle ou Tangalle plus au Sud, respectivement lieux de villégiature des inoubliables Amangalla et Amanwella, la Paradise Road Villa Bentota fait alors office de halte non moins incontournable. Non pas parce qu’on y dispense peut-être l’un des meilleurs massages qui m’aient été donné de recevoir mais bien parce que ce lieu, occupant près d’un hectare d’un jardin manucuré et au gazon vert tendre, a un charme vraiment très spécial. La ligne de chemin de fer, justement, qui au fond du jardin barre l’accès à cette mer gentiment chahutée et à cette plage immense que l’on penserait désertée au milieu de ses palétuviers et de ses palmiers géants y fait pour beaucoup. Ce qui pourrait passer comme la nuisance la plus rédhibitoire au monde, quand, au petit matin, entre deux chants d’oiseaux, la sirène du premier train retentit et fait vibrer les murs devient curieusement un objet de contemplation renouvelé à chaque passage au point de finir par manquer quand l’ultime train du soir et les derniers sourires envisagés à ses fenêtres et portes grandes ouvertes ne forment plus qu’un lointain souvenir. Cette Villa aurait-elle un quelconque don à ne pas se faire détester et à réjouir ? Sans doute aidée, entre autres, par la présence d’un personnel aussi dévoué qu’aimable, Paradise Road Villa Bentota a cette capacité à faire voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Peut-être parce que partout où le regard se pose justement et ne s’attache pas au détail, il y trouve l’essentiel et du charme à revendre à l’image de ses chambres, toutes rayées forcément, de leurs lits à baldaquins et moustiquaires ou à montants de bois tournés comme dans l’unique Mohotti Suite qui occupe un pavillon à part et ouvert à tous les vents en parfait exemple du style Bawa, de son restaurant de cuisine sri-lankaise à colonnes, ou de ses salons eux-aussi grands ouverts sur la nature.

« Paradise Road Villa Bentota a cette capacité à faire voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide »

À l’abri de ses toits pentus, emprunts à l’architecture balinaise, au détour de ses cours intérieures découpant de savantes ouvertures dans le paysage ou au balcon de ses terrasses immenses notamment dans les chambres trois et quatre, on garde le double sentiment de liberté et de pleine propriété d’une maison pour soi. Ses façades chaulées de blanc qui font écho aux efflorescences immaculées de frangipaniers dont les silhouettes se découvrent en ombres chinoises assorties aux volets et portes ourlés de khôl imprègnent durablement le regard. Même constat pour la palette de verts entre mousse et oxyde léchant la base des murs et d’artefacts négligemment abandonnés, ou ces bleus océaniques qui s’exposent à la faveur des bassins ici au nombre de deux, dans les reflets de flotteurs de verre aimablement disposés ou de bonbonnes, elles aussi de verres et fièrement exposées. Pour autant, Paradise Road Villa Bentota ne se limite pas à un petit bijou d’architecture se laissant admirer au détour d’une visite ou à un précis de décoration dont on ne pourrait rien rapporter, la boutique in-house collectionnant curieusement les objets les plus insipides qui soient loin du mix & match certes déjà vu mais très réussi prévalant ici. Non, la Villa se vit réellement en se pliant de bonne grâce au rythme de chacun lui laissant le temps et le choix de ses moments en toute autonomie. Un plaisir suffisamment rare pour être souligné, certes permis par la taille modeste d’une demeure de seulement 15 chambres, mais qui fait vite oublier le manque d’entretien de l’ensemble comme nous l’évoquions plus haut à mots à peine couverts.

« Paradise Road The Villa Bentota (...) une étape obligée »

À bien y réfléchir, l’aventure de Shanth Fernando dans l’hôtellerie s’apparenterait fortement à celle d’une Anouska Hempel, qui elle aussi en son temps, par un goût unique et reconnaissable entre mille, tenta de révolutionner le genre sans finir par s’imposer. Il y a ceux qui créent et ceux qui ne font rien me direz-vous. Aux premiers, il est toujours plus aisé d’apporter une critique, aux seconds beaucoup moins. Souhaitons donc à Paradise Road The Villa Bentota de retrouver le droit chemin d’une exigence qui ne serait pas purement décorative et de continuer à surprendre au-delà des 150€ demandés pour la première de ses chambres, qui en font, raison de plus, une étape obligée !

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier

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À partir d'env. 150€/nuit

 
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