Back from… Villa Maïa
Un nouveau point de vue sur la ville !
Rien n’a bougé ou presque sur la colline qui prie. La chapelle de l’ancien Hôpital veille encore sur l’Antiquaille comme on l’appelle depuis toujours. Les vestiges de l’Odéon et du Théâtre antiques ont depuis longtemps refaits surface grâce à Maïa, le Musée Gallo-Romain, l’un des plus surprenants de France, pensé par le Grand Prix de Rome Bernard H. Zehrfuss, tient ses portes ouvertes à deux pas et son escalier à spirale prêt à remonter le temps, les traboules en contrebas ne servent plus au transport de la soie mais continuent d’attiser la joie des badauds qui en poussent les portes secrètes en retenant leur souffle, obéissant ainsi aux consignes pour ne point déranger les riverains. Les fameuses Mères Lyonnaises n’ont plus leur restaurant mais ont gardé leurs effigies sur les cimaises des Halles où s’empilent sans relâche quenelles, saint-marcellin et tartes à la praline. Monsieur Paul veille toujours sur tout comme on couverait le lait sur le feu.
L’ancienne Capitale des Gaules a beau avoir troqué son titre pour s’autoproclamer non seulement capitale de la gastronomie mais aussi du cinéma, de la soie, de l’imprimerie ou encore de la rose, l’on a encore plaisir à revenir d’une escapade sur la Presqu’ile, entre les bords de Saône ou du Rhône, un peu essoufflé en prenant ce raidillon surnommé le Gourguillon qui en découragerait pourtant plus d’un, surtout quand l’orage gronde et que la pluie vient à s’abattre. Certes, l’on pourrait faire preuve de moins de courage et remonter aussi en « ficelle » par l’un des deux funiculaires qui relient inlassablement le Vieux-Lyon à Fourvière mais peut-être que la satisfaction de l’avoir gravie, cette sacrée colline, rajoute à la joie qui attend là-haut, au plaisir infini de pouvoir embrasser du regard cette vue imprenable sur la ville, l’une des plus belles de France, que se partagent désormais sa Basilique, somptueux poème néo-byzantin offert à la gloire de Marie, et Villa Maïa, dernier des 5 étoiles de la ville et tout juste ouvert.
Rome ne s’est pas faite en un jour, la Lugdunum de Munatius Plancus non plus. Villa Maïa ne pouvait faire moins. Six années ne furent pas de trop entre l’idée d’implanter un hôtel sur ce site remarquable et son ouverture, il y a quelques jours à peine. Il en aura donc fallu du temps avant que les Nuits de Fourvière ou la Fête des Lumières ne trouvent là un écrin à leur mesure et que Lyon ne retrouve enfin un établissement digne de son rang de seconde métropole de France. De l’eau aura coulé sous les ponts avant que, sur les ruines de ce qui fut vraisemblablement la villa du Légat du Pape, ne s’érige Villa Maïa, preuve que de grandes et belles choses, certes peu nombreuses et trop rares, peuvent encore se faire en France et dans nos provinces. Il aura fallu tout d’abord qu’un homme Christian Têtedoie, l’un des 20 chefs étoilés de ville et Meilleur Ouvrier de France, ne se décide à quitter les rives du fleuve pour venir bâtir un premier vaisseau amiral sur ce site de l’ancien Hôpital avant que le propriétaire de ses murs, Christophe Gruy, ne se décide à faire du site tout entier le siège de son groupe centenaire, de sa demeure privée et de sa dernière passion pour l’hospitalité. Que l’entrepreneur comme l’homme ayant réussi à convaincre trois talents, de Louis Benech à Jacques Grange en passant par Jean Michel Wilmotte, de venir apposer leur signature sur son projet en soit d’ores et déjà remercié. Car Lyon et ses visiteurs appelaient de leurs vœux cette modernité déjà préfigurée au Nord avec la Cité Internationale et au Sud avec la Confluence, cadre de sa fameuse Biennale. Son centre et ses tours de la Part Dieu ont désormais avec Villa Maïa, un observatoire à leur hauteur. Évidemment, Mama Shelter, avant lui, avait accompagné ce renouveau mais il manquait à la ville un établissement de qualité même si ses contours restent un peu flous à définir. À la fois grand hôtel dans sa mise et ses tarifs (jusqu’à 925€ pour une Suite), design-boutique par son esprit comme par sa taille (37 clés) et de surcroit villa par son nom et son ambition de se faire maison, Villa Maïa a décidé de marquer les esprits en brouillant les codes. Qu’importe si, il ou elle, se cherche encore un peu, Villa Maïa est indéniablement la nouvelle et la plus brillante des lumières de la ville qui se livre en contrebas jusqu’aux contreforts des Alpes. Avec son architecture faussement banale et volontairement discrète, ses balcons rentrés à l’intérieur de ses parois de verre posées en agrafe et ourlées de manière asymétrique, elle ne cherche pas à imposer comme consciente de l’héritage des lieux et de la place qu’occupe encore les nombreux clochers alentour. Le son des cloches, d’ailleurs, comme le chant des oiseaux ou l’écho des voix d’enfants du collège au loin sont bien les seuls bruits qui parviennent jusqu’à ce nouveau territoire dont les voitures ont été exclues pour laisser place au végétal réensemencé par l’ami Benech sur ces pourtours. Ses restanques qui descendent sur la ville comme son jardin de curé planté à l’arrière et marqué d’une croix dans ses grandes largeurs comme la façade signée par Wilmotte viennent là encore nous rappeler les origines conventuelles des lieux et le soin que l’on a porté ici, au corps comme à l’âme, au fil des ans. Mais les voutes de pierre ocre derrière lesquelles s’envisagent le jardin ou la frise de bronze en feuille d’acanthes insérée dans la rigueur de la façade ne sont pas les seules à filer la métaphore de ce glorieux passé religieux et païen avant lui. L’intérieur aussi, des colonnes cannelées en répétition aux plafonds à incrustations ou ondulations de plâtre blanc jusqu’aux fauteuils garnis de velours brique en passant par les sols en mosaïque, à l’image de celui découvert en coulant les fondations et que l’on retrouve dans les thermes ou les salles de bains tout en marbre de Carrare et nickel brillant, évoque indéniablement un style pompéien et les riches heures d’une villa romaine.
Mais attention, rien de tout cela ne saurait être trop littéral, les trois bons hommes ici convoqués n’ont pas manqué de se jouer, à leur tour, des codes. Rien d’étonnant donc, à ce que souffle également à Villa Maïa un petit air Art Déco déjà aperçu au Mark de New York, autre réalisation de Jacques Grange, et que l’on retrouve dans ces bureaux de citronnier, ces lits capitonnés aux couettes de soie et au confort redoutable ou bien encore ces panneaux de verre de Saint Just étincelants. Les œuvres d’art contemporaines sont, elles, plus inattendues à commencer par les colonnes totémiques de Rougemont décorant les salons ou la fresque pop de Peter Gee dynamitant le bar sans parler des spectaculaires et uniques anamorphoses circulaires de Charles Maze ornant les cimaises de chacune de ces chambres tendues de papier japonais et encadrés de baguettes de bois sombre rappelant les « Shoji » du hall. L’ensemble se veut donc pour le moins cosmopolite et inédit, tranchant dans une palette générale de couleurs sobres oscillant entre le gris, le brun et le grège. Il y a là indéniablement une certaine forme d‘audace et de jolies correspondances entre le dedans et le dehors, entre cette vue dont on ne peut se lasser et les tourbillons créatifs de Maze, par exemple, mais il lui reste encore à trouver son unité.
Au prix de quelques efforts encore, il y parviendra sans peine car pas un jour ne passe sans que les dernières commandes ne partent ou les livraisons n’arrivent pour parfaire les moindres détails de ce pari un peu fou. Car aujourd’hui, c’est au tour de Villa Maia de prendre le relais de l’ancien hôpital et de s’efforcer de guérir le voyageur moderne toujours dans l’impatience. Cela ne fait aucun doute, les âmes et les cœurs vont continuer de s’épanouir à l’unisson et à l’abri de ce jardin de contemplation voulu plane et sans relief à l’opposé du relief alpin ou de la mer de toits agitée de l’autre côté. Dans ce carré de nature savamment laissé lâche, les ifs, platanes, chênes et haies d’Osmanthes finiront par prendre leur aise et servir de havre paisible à la terrasse bientôt déployée en ses abords. On y dégustera l’un des goûters que s’appliquent encore à mettre au point Séverine Maisonneuve, sa directrice générale et géniale maîtresse des lieux, avec la complicité du chef Têtedoie déjà à l’origine des parfaits petits déjeuners servis au buffet et à la carte comme bientôt du room service. Pendant ce temps, François Méquinion, son sémillant concierge aux Clefs d’Or continue d’accrocher à son trousseau de nouvelles clés secrètes comme celles qui mènent sur la route du Couvent de Tourette, chef d’œuvre de Le Corbusier, sous les toits de la Basilique toute proche ou plus proche encore aux meilleures tables de Têtedoie situé juste en face et dont Villa Maïa se veut dépourvue.
L’un comme l’autre, à l’image de la formidable équipe (et ce n’est pas rien de le dire) qu’ils ont ici réunie, sont fin prêts, pour leur part, à recevoir leurs premiers pensionnaires. Peu importe, si le lustre hélicoïdal monumental faisant écho à l’escalier du Musée Gallo-Romain voisin attend encore son contrepoint pictural, le liftier lui s’attend bien à serrer les premières mains libérées de la spectaculaire Tesla X assurant les transferts vers cette adresse que je me suis efforcé de garder secrète le plus longtemps possible de peur de vous y voir foncer ventre à terre et un peu trop tôt. À l’heure de lire ces lignes, Villa Maïa aura sans doute déjà conquis une bonne partie de la ville et de la colline voisine, celle qui travaille, curieuse de gouter aux cocktails ou aux infusions inspirées des senteurs du jardin mais surtout ravie d’admirer sa métropole sous un jour nouveau. En fait, on a changé quelque chose, on a pris de la hauteur !
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir de 380€/nuit
Surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • accueil personnalisé