Back from… The Qvest
Qvest à l'est !
Coïncidence du calendrier, demain commence une nouvelle édition d’Art Cologne, l’un des deux rendez-vous annuels avec le IMM (Salon du Meuble International) en janvier qui remettent la ville rhénane sur toutes les lèvres le temps d’un week-end avant qu’elle ne s’endorme à nouveau pour le reste de l’année. Car, et c’est bien malheureux, que connaît-on de Cologne ? La mémoire collective l’a gentiment oubliée depuis sa destruction massive par les bombes alliées et en a oublié son glorieux passé romain et la douzaine de basiliques romanes toujours debout dont la merveilleuse St Gereon sise en face de l’hôtel qui nous intéresse aujourd’hui. Oui, la Belle du Rhin ne se résume pas à sa cathédrale classée au patrimoine Mondial de l’UNESCO ou à son eau légère et parfumée. Entre le quartier dit des Belges et l’unique Hohe Domkirche St. Petrus, en bordure d’un élégant square privé bordé de quelques immeubles et de ce chef d’œuvre de l’Art Roman, s’érige en un parfait contrepoint les anciennes et néo-gothiques archives de la ville de Friedrich Carl Heimann aujourd’hui transformées en The Qvest
Oui, Cologne s’est enfin dotée d’un hôtel digne de ce nom, devenu incontournable depuis l’allée dernière, année de son ouverture. Sujet d’un précédent expo, resto, dodo en ville The Qvest est l’Adresse où séjourner au terme d’un périple mené en Thalys et en direct à 3h30 de Paris via Bruxelles. Plus d’excuse donc pour ne pas s’aventurer vers cet Est qui refroidit encore par trop souvent nos ardeurs comme nos envies d’ailleurs. À ceux qui n’auraient pas plus de temps que de raison de se rendre à IMM qu’à Art Cologne,on pourra toujours leur conseiller de visiter au moins une fois les collections du Ludwig Museum qui célèbre jusqu’en août prochain son 40ème anniversaire. Avec le 20ème siècle pour sujet, elles ne dépareilleront en rien avec celle d’un certain Michael Kaune, propriétaire de ce nouveau lieu. L’enfant du pays a en effet non seulement décidé de poser ses valises en sa ville natale, d’en racheter l’un des bâtiments historiques pour en faire son hôtel après en avoir visité -selon ses dires- plus de 600 tout au long de sa vie relativement courte mais également son œuvre personnelle. Ce qui s’apparenterait sur le papier à un énième hôtel design sans charme et sans réelle épaisseur s’avère être, dans les faits, bien plus qu’une compilation d’éléments sériels. En effet, le colonais, par ailleurs galeriste spécialisé en photographie contemporaine dans la chapelle voisine et éditeur d’un fashion magazine également baptisé Qvest a fait bien mieux qu’un simple décorateur-ensemblier.
À chacune des 34 chambres et suites de son nouveau refuge, il a donné une identité propre, mélangeant avec un talent certain les pièces vintage de sa collection personnelle, signées Eames, Jacobsen, Gray, Van der Rohe, Le Corbusier ou Adnet avec les réalisations de Flos, Vitra et autres éditeurs d’aujourd’hui en vente sur sa boutique en ligne the Qvest shop ou au comptoir de l'entrée. Aux cimaises, il a choisi avec le même soin et parfois une certaine audace photos et affiches vintage pour compléter ce tableau où les noms comme les modèles s’empilent non sans à propos. Sous les plafonds en ogive ou entre les fenêtres gothiques de ce qui s’apparente plus à un musée qu’à un hôtel, le contraste entre esprit Bahaus et gothique raisonnable fonctionne à plein. On le visite plus qu’on ne le vit d’ailleurs. Ici, le silence – que certains ne manqueront pas de trouver lugubre- semble de rigueur ou de circonstance. Il faut dire que ni l'architecture presque religieuse, ni l’environnement boisé et presque champêtre en plein cœur de la ville ne se prêtent aux plus grandes fantaisies mais qui s'en plaindrait ? Nous sommes en Allemagne ne l’oublions pas. Et ce ne sont pas les deux suites qui se partagent tout le premier étage, plutôt intimidantes et néanmoins étonnantes avec leurs quelques six mètres de hauteur sous plafond, qui réchaufferont l’atmosphère presque conventuelle des lieux. Ni le piano à queue, la cuisine d’appoint ou l’immense salon-salle à manger installés dans les 120m2 de la bien nommée Salon Suite ne semblent vouloir prendre un tour festif peut-être parce que l’on rêve secrètement de garder pour soi seul ce refuge. Il faut dire qu’à 1.800€ la nuit, cet Hideaway s’assortit sans complexe avec la pompeuse signature de ce lieu, avouons-le, sans pareil.
Alors Experience ou Design-boutique hôtel ce Qvest ? Expérience assurément pour ceux pouvant s’offrir l’une ou l’autre de ces suites hors normes, la seconde plus modeste en taille s’échangeant au tarif bien plus raisonnable de trois cent et quelques euros la nuit, plutôt design-boutique pour ceux, la majorité, devant se contenter, toutes proportions gardées, des 32 autres chambres réparties dans les étages dont on choisira en priorité celles avec vue sur le square où percent sans vergogne par les fenêtres le gazouillis des oiseaux et le tintement des cloches le matin. Dans un cas comme dans l’autre, chacun a quand même au final le sentiment très privilégié d’habiter l’Histoire, celle de l’architecture comme celle des arts décoratifs. La salle de petit déjeuner, au demeurant excellent, dont vitrines et cimaises témoignent de l’incontournable aspect muséal, achèvera d’ailleurs de convaincre les plus incrédules d’avoir pris rendez-vous avec l’Histoire à défaut de s’être attablés dans un restaurant, malheureusement absent de ces lieux qui ne sont pas faits pour le plus grand nombre. La bibliothèque à l’étage, empilant les ouvrages de référence, n’a pas plus été pensée comme un lieu de vie mais bien, là encore, comme le refuge d’un esthète passionné qui préfère laisser le bruit au dehors et les télévisions au placard plutôt que de les accrocher aux murs de ses chambres. Rien que pour cela on lui dit bravo et merci !
À partir de 120€/nuit