Back from… Soho Farmhouse
Au bonheur retrouvé !
Contrairement aux idées reçues, quitter Londres s’avère chose facile et d’autant plus aisée quand la route, après une heure et demie à peine, nous mène vers de si jolis horizons que les Cotswolds. Au cœur du riche et fertile Oxfordshire, l’absence de barrière au profit de haies verdoyantes et touffues, la ruralité préservée loin de toute industrialisation, donnent à cette campagne un air aussi respirable qu’irrésistible. Devant pareille évidence de la Nature, on en viendrait à croire qu’il suffit de s'assurer de sa main verte pour être autorisé à y séjourner mais c’est plutôt patte blanche qu’il faut montrer à la barrière de bois de ce domaine de quelques 40 hectares qui sépare la ville de la campagne comme le gris du vert.
N’entre pas qui veut à Soho Farmhouse ! Nous avons beau être à la campagne, nous ne sommes pas moins à la porte d’une Soho House et à la merci de ses règles interdisant les photos des espaces communs (que vous ne découvrirez donc pas ici) comme de ses membres (cela va sans dire) auquel l'accès est presque exclusivement réservé. Il faut dire que ces membres luttent sans relâche à longueur d'année pour tenter de décrocher l’une de ses quinze nouvelles tentes ou l’une de ses quarante cabanes en bois, sans parler de l’ancienne maison de ferme et du cottage offrant respectivement 7 et 4 chambres. Nick Jones, le patron des Houses et pourfendeur de ce retour à la ferme, pourrait continuer à imaginer et ouvrir sans relâche de nouvelles capacités d’hébergement que cela ne suffirait toujours pas à contenir l’engouement de ces candidats au dépaysement, toujours plus nombreux.
Les stressés de la ville n’ont pas fini de rêver aux joies simples de ce retour à la terre. Il y a de nombreuses années de cela, une série américaine, « Les Arpents Verts » ou « Green Acres » dans la langue de Shakespeare, offrait à Zaza Gabor une seconde jeunesse et aux spectateurs du monde entier quelques éclats de rire face à la difficile adaptation d’un couple d’américains au monde rural. Si dans la copie livrée par les équipes marketing et l’incontournable Vicky Charles, en charge du design, il y a parfois de quoi sourire, il y a surtout de quoi se réjouir. Certains, qui n’auraient rien compris au pitch, trouveront sûrement un brin « too-much » de devoir laisser son véhicule comme ses tracas au parking, une fois la guérite franchie et le check-in expédié, pour se laisser aller aux joies de la campagne et d’un transport jusqu’à son refuge en ancien camion-laitier peint d’un vert amande que nos anglais nommeraient plus judicieusement « Laurel green ». Ce qu’ils ne savent pas c’est que pendant que nos batteries se rechargent et que notre cerveau se lave de toute pollution visuelle et sonore, la voiture, elle-aussi, se fait bichonner(sans supplément de prix) pour mieux affronter la route du retour.Dans cet heureux croisement entre parc à thèmes et club country-chic ou le vernaculaire n’a rien cédé à la modernité, le moyen de locomotion favori restera par la suite l’un des vélos du même vert, dûment identifié à son nom et posté devant la cabane, la tente ou la masure que l’on aura pris soin de réserver. Et lorsque l’on croisera calèches, tuk-tuk et autres camions électriques en chemin, on prendra bien soin d’offrir au choix un coup de sonnette, un salut de la main ou un large sourire à celui dont on viendra de partager la route. Le reste du temps, on pourra continuer à lâcher les mains du guidon comme les pieds des pédales renouant ainsi avec les joies de l’enfance, et continuer d’arborer ce large et béat sourire du condamné qui vient de retrouver sa liberté.
De liberté, il n’est question ici que de cela. Liberté d’aller à sa guise, d’emprunter une des BMW I8 et de rayonner autour de cette région riche de mille trésors, de l’imposant Blenheim à la délicate Oxford en passant par Kingham, son délicieux Wild Rabbit et sa chicissime ferme de Daylesford, ou de rester là en s’octroyant pour principale occupation de savoir où et comment se faire du bien. Car à l’inventaire des plaisirs, rien ne manque à Soho Farmhouse. Si les enfants y trouvent leur compte, les adultes ne sont pas en reste entre le cinéma, le coiffeur, la boutique, l’école de cuisine et de mixologie, les cours d’art floral ou de yoga, l’équitation, le golf, la natation, la pêche ou le tir mais aussi le spa comme toujours labelisé Cowshed. Si je rajoute au chapitre des réjouissances, la possibilité de choisir entre les bancs du Deli, les tables plus sophistiquées du Fancy, les fauteuils bien profonds du Comfy, la terrasse du Main Barn, les grandes tablées du Hay Barn, le comptoir du pub Mill Room ou les tables avec vue sur la rivière du Pen Yen, l’exquis japonais, on comprend plus aisément de quoi je veux parler. La liberté de choix ne s’arrête pas à ce simple inventaire, car il faut également prendre en compte la possibilité de faire ses emplettes au Deli pour cuisiner dans le confort et l’intimité de son nouveau « home away from home » ou comble du fun se faire livrer ses fleurs, son cocktail favori ou son petit déjeuner directement chez soi par un des « farmhands » (communément appelés « butlers » en ville) Surperga aux pieds et tout sourire dehors. Soho Farmhouse n'est pas à une surprise ou à un détail près.
Si trouver, à côté des bottes proprement alignées sur le devant de la porte, le lait fraichement livré aux aurores était déjà un motif de surprise et de ravissement, que dire du moment où l’un des fameux camions verts dédiés à ce service entre dans la cour, ouvre son comptoir et dévoile sa cuisine équipée pour préparer le « breakfast » à la carte le plus génial et le plus succulent qui soit. Si Ricoré dans les publicités de notre enfance se voulait l’ami du petit déjeuner, Soho Farmhouse réussit le pari de faire revivre ce mythe et d’‘accrocher ainsi des étoiles dans les yeux des grands enfants que nous sommes tous restés, impatients de passer commande, de mettre la table entre amis et de partager ce premier instant de convivialité de la journée.Convivialité est sans doute le second mot qui viendrait caractériser cette Soho House de plein air, lorsque le soleil se met de la partie et que tout ce petit monde s’aligne à l’unisson des parasols plantés comme des aiguilles blanches dans le vert des gazons manucurés, devisant allègrement dans la brume des eaux tièdes des piscines intérieures et extérieures ou dans les remous du jacuzzi de bois surplombant l’étang et la rivière sur lesquels se laissent aller, entre deux coups de rame, les esprits créatifs de ce monde, cherchant dans ce canotage et ce retour à la nature quelque inspiration nouvelle. Leur cerveau lavé au grand air, leur regard rafraichi par le ballet des libellules et des papillons, ils s’en repartent vers la ville pour de nouveaux challenges jusqu’à la prochaine fois.
Celui qui a pris une fois le chemin de cette Farmhouse ne pourra s’en détourner si facilement. Par sa liberté de ton, sa convivialité mais également sa commodité et son efficacité, le lieu sait se rendre essentiel. Les fenêtres qui s’entrouvrent sur la nature, les voilages qui s’envolent à la faveur du vent, le chintz qui s’assortit des abat-jours aux coussins, les baignoires qui se vident avec lenteur, les allumettes que l’on craque dans l’âtre quand viennent les soirées plus fraiches, les chaises longues que l’on tire au premier soleil, les mûres que l’on cueille dans les haies, les bottes que l’on gratte sur les paillassons, les coquelicots et les pâquerettes que l’on dépouille avec cérémonie, les boutons d’or que l’on fait tourner sous les mentons, les graviers qui crissent sous les roues de vélos lancés à fond, les brins d‘herbes qui luisent dans la rosée du matin et que sais-je encore, chaque saison, chaque instant laisse sa trace mémorielle et sonne comme une évidence. Qu’on se le dise, l’expérience délicieuse et heureuse de Soho Farmhouse, que l’on aimerait bien évidemment prolonger au-delà d’un simple dimanche à la campagne, devrait être remboursée par la National Insurance, la sécurité sociale anglaise, ou prise en charge par la Communauté Européenne, Brexit ou pas.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux | Olivier Chevalier
À partir d’env. 350€/nuit